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Il s’est trouvé un explorateur du Mayumbé, c’est M. Norbert Diderrich, jeune ingénieur qui compte à son actif plus de dix années d’Afrique. Plusieurs fois, il avait parcouru cette région dont la frontière est formée par le Congo français au Nord, et par le territoire portugais de Cabinda à l’Ouest. Frappé de la richesse du pays, de la splendide végétation qui le couvre en partie, des cours d’eau qui l’arrosent abondamment, il conçut le projet d’un chemin de fer à voie étroite qui drainerait les produits naturels de la contrée, l’huile de palme, les noix palmistes, les vivres indigènes, les bois de construction, et permettrait en échange l’installation de plantations de café, de cacao, de canne à sucre, de tabac et de caoutchouc. Le chemin de fer se construit en ce moment, 30 kilomètres sont déjà ouverts à la circulation ; il en faudra environ 150 pour atteindre à la frontière le Chiloango dont le cours flottable permet aux factoreries portugaises de la rive droite de communiquer avec la mer. M. Diderrich a la gracieuseté de m’accompagner ; notre but est d’atteindre, à une centaine de kilomètres vers l’intérieur, une plantation nouvellement créée sous le nom de « Urselia. » Installés à l’avant du train, nous filons à bonne allure dans les sinuosités de montagnes déboisées, couvertes de grandes herbes. Près de La-Luki, le point provisoirement terminus de la ligne, commence la forêt que la voie du chemin de fer traversera presque sans interruption ; et ce sera dans peu d’années un voyage bien intéressant de parcourir ainsi, par monts et par vaux, cette forêt vierge où les ingénieurs taillent une voie qui épouse les sinuosités de la montagne, traçant comme une large sente dans cette exubérante végétation. Nos porteurs sont accroupis, nous attendant devant la gare. Bientôt le chef de caravane a distribué sur la tête de chacun sa charge de 35 kilos ; ce sont les tentes, les conserves, les poulets vivans liés en chapelets entre deux feuilles de palmier, les ustensiles de cuisine, les lits de camp, voire des chèvres qu’un porteur envié de tous n’aura qu’à pousser devant lui. Deux mules nous sont destinées, luxe nouveau au Congo où l’importation des animaux de bât est toute récente.

Nous voilà partis en file indienne à travers la forêt ; à l’avant-garde marchent allègrement les soldats de l’escorte ; derrière nous, nos quarante porteurs, nos boys, le cuisinier, les aides, tout le menu fretin de vagues serviteurs qu’exige ce déplacement. La petite caravane serpente sous bois, dévalant dans les