Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 161.djvu/947

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’influence d’Adoré Floupette. Non certes qu’il ait jamais sacrifié aux grâces obscures. Mais il est dans la déliquescence des degrés et des formes diverses. C’est l’une de ces formes, et sans doute l’une des plus aimables, que ce goût dont nous nous sommes, voilà quelques années, laissé prendre, pour une naïveté étudiée. Nous voulions nous refaire une âme candide et simple et pareille à celle des petits enfans. Légendes pieuses, contes de fées, histoires de nourrice, nous allions rechercher toutes ces choses falotes et douces, et, en les contant à notre tour sur le mode attendri, nous nous donnions infiniment de peine pour avoir l’air d’en être dupes. Ç’a été une veine facile de mysticisme transparent et de mièvrerie sentimentale. Prenez quelques-uns des derniers recueils de Gabriel Vicaire : le Miracle de saint Nicolas, l’Heure enchantée, le Clos des Fées, vous y trouverez des fées et des lutins, Obéron et Titania et Merlin avec Viviane, et des pages aussi, des varlets et des paladins ; vous y trouverez de bons petits enfans, de pieux martyrs, des saints et des anges, et des vers de cantiques avec accompagnement de musiques célestes.


Ah ! la simplicité du bon religieux,
Quand la reverrons-nous, adorable exilée ?
Comme l’espoir, la foi s’en est bien vite allée :
Nous n’osons plus frapper à la porte des cieux.
Qu’il était beau pourtant, cet âge d’innocence
Où s’éveillaient en nous les songes de l’Avent !
Qu’il est triste aujourd’hui, sous la neige et le vent,
Le sentier défleuri de notre adolescence !
Dans le désert de sable où je suis enfermé,
J’entends le bruit léger d’une source lointaine,
Et comme au temps divin de la Samaritaine,
Mon cœur tressaille encore au pas du Bien-Aimé.


Que le ton est changé et combien cette plainte nostalgique sonne étrangement quand on a encore dans l’oreille les rythmes sautillans et courts des pièces où Vicaire célébrait les Volailles de Bresse et le Petit Cochon ! Le bon buveur bressan songe avec mélancolie aux âges révolus de la piété sincère et s’étudie à cueillir des fleurettes au jardin des antiques légendes. Il apporte encore dans ces exercices nouveaux bien de la grâce ; mais il n’y est plus lui-même. Il s’est mis à la mode du jour ; il est devenu l’habile ouvrier d’une poésie agréablement conventionnelle. Il n’a plus la verve primesautière et l’originalité savoureuse de son premier recueil. Il est de ceux qui se sont mis