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extérieure au fond même du débat, et qui, tranchée dans un sens ou dans l’autre, le laisse subsister tout entier. Le vrai problème est celui-ci : étant admis qu’il faut non pas détruire, mais construire le parlementarisme, — et M. le marquis Tanari ajoute : « Je serais disposé à l’admettre, » — sur quel plan et sur quel modèle ? Car il y a, en ce point, « une ambiguïté. » Et l’ambiguïté demeure la même, soit qu’on proclame que construire le parlementarisme est l’unique solution, et qu’il le faut, soit qu’on se borne à reconnaître que c’est une des solutions possibles : et qu’on le peut. « Le parlementarisme anglais étant le seul qui fonctionne utilement depuis deux siècles, — et d’ailleurs étant, comme il l’est, le prototype de tous ceux de l’Europe occidentale, — faut-il entendre par le mot construire la réformation de nos parlemens sur le modèle anglais ? ou devons-nous aller à la recherche d’autres formes de gouvernement, pourvu qu’elles répondent aux définitions données et généralement acceptées ? »


II

Dans ma pensée, il n’y a pas de doute : c’est la seconde méthode qui est la bonne, et je n’hésite pas à répondre que oui, que nous devons aller à la recherche, non peut-être de nouvelles formes de gouvernement, mais de nouvelles combinaisons, de nouveaux arrangemens du gouvernement représentatif ou parlementaire. Loin qu’il y ait lieu de pousser les divers États de l’Occident européen à se rapprocher du régime anglais, il est permis de se demander si le régime anglais convient encore très bien à l’Angleterre d’aujourd’hui. Évidemment, en Angleterre, certains élémens du régime anglais devaient rester et sont restés constans, quand il n’y aurait que le facteur espace, que le milieu géographique, et que la race, le milieu ethnique. Aussi s’est-il beaucoup moins déformé lui-même et au dedans, qu’il n’a été, au dehors, déformé par ses imitations continentales. Cependant le milieu civil, économique et moral, ou d’un mot le milieu social, s’est modifié autour de lui plus vite que lui ; par-ci par-là, il a comme des airs de diligence roulant sur une voie ferrée, quelque chose de vieillot et de suranné, si bien que çà et là, dans ses accoutremens, ses manières et ses démarches, on ne sait trop s’il est plus vénérable ou plus ridicule ; si bien, en tout cas, que là encore l’équilibre est rompu et qu’en Angleterre même, le parlementarisme anglais n’est plus en harmonie avec le milieu. Quoiqu’on ait essayé de le rajeunir, notamment par l’élargissement progressif du corps électoral, le désaccord,