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en français, et qui se réduit d’ailleurs à un assez petit nombre d’ouvrages. L’Institution chrétienne, 1536-1541 ; le Traité de la Cène, 1541 ; le Catéchisme de Genève, 1542 ; le Traité des Reliques, 1543 ; l’Excuse aux Nicodémites, 1544 ; la Briève Instruction… contre les Anabaptistes, 1544 ; le violent pamphlet Contre la secte fantastique et furieuse des Libertins qui se nomment spirituels, 1545 ; et l’Avertissement sur l’astrologie judiciaire, 1549, en sont, je crois, les principaux. Ajoutons-y cinq ou six volumes de Sermons « recueillis de sa bouche, » qui ne sont qu’un commentaire perpétuel de l’Écriture sainte, — des leçons, à vrai dire, plutôt que des sermons ; — et une correspondance assez volumineuse.


III

La forme de ces opuscules est extrêmement remarquable et, avant de parler de la « tristesse » habituelle du style de Calvin, — qu’on ne peut guère lui reprocher qu’à la condition d’avoir soi-même cette splendeur d’imagination qui est caractéristique de Bossuet, — il convient d’y louer la vigueur du pamphlétaire. Il lui arrive trop souvent, à la vérité, je ne puis pas dire de s’épuiser, car elle est inépuisable, mais de se traduire et visiblement de se complaire en injures violentes et grossières. Quiconque ne pense pas sur la « foi justifiante » ou sur « la prédestination » ce qu’en pense Calvin, et ce qu’il a décrété que les autres en penseraient, n’est aux yeux de Calvin qu’une grosse bête, qu’un âne, qu’un chien, qu’un « cureur de retretz. » Voici en ce genre une page curieuse de l’Excuse aux Nicodémites :


Pour bien exprimer quels ils sont, — ils, ce sont ici tous les Nicodémites, ensemble ou en tas, « gens du monde » et « gens de lettres, » — je ne saurais user de comparaison plus propre qu’en les accouplant avec des cureurs de retraits, — qui cloacas repurgant. Car, comme un maître Fifi, après avoir longtemps exercé le métier de remuer l’ordure, ne sent plus la mauvaise odeur, pour ce qu’il est devenu tout punais, et se moque de ceux qui bouchent leur nez, pareillement, ceux-ci, s’étans par accoutumance endurcis à demeurer dans leur ordure, pensent être entre les roses, et se moquent de ceux qui sont offensés de la puanteur, laquelle ils ne sentent pas. Et, afin de mener la comparaison tout outre, comme les maîtres Fifis, avec force aulx et ognons s’arment de contrepoison, afin de repousser une puanteur par l’autre, semblablement ceux-ci, afin de ne point flairer la mauvaise odeur de leur idolâtrie, s’abreuvent de mauvaises excuses, et perverses, comme de viandes puantes, et si fortes qu’elles les empêchent de tout autre sentiment. (Opera Calvini, VI, 595.)