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jour, et on le retrouve bientôt en Italie, à Ferrare, où il se pourrait que la duchesse elle-même, Renée de France, fille de Louis XII, l’eût appelé. De Ferrare, il veut rentrer en France, mais la guerre est à toutes les frontières, et un détour qu’il est obligé de faire l’amène à Genève, où, nous dit Théodore de Bèze, « il ne prétendait rien moins que d’y faire sa demeure, mais seulement d’y passer pour tirer à Bâle et peut-être à Strasbourg. » C’est Farel, Guillaume Farel, qui réussit à l’y retenir, « pour y lire, — c’est-à-dire pour y enseigner, — en théologie. » Mais les Genevois sont divisés en deux camps : puritains d’un côté, libertins de l’autre, lesquels protestent énergiquement que « personne ne dominera sur leur conscience ; » et bien moins encore sans doute cet étranger, ce Français ! Les libertins l’emportent, et, le 23 avril 1538, ordre est donné à Calvin de vider la ville dans les trois jours. Sur l’appel de Bucer, il se rend à Strasbourg, où, de 1538 à 1541, il enseigne la théologie. C’est au commencement de cette dernière année que les Genevois repentans le rappellent, se soumettent, lui livrent, sans fonction ni titre, l’autorité la plus complète qu’un homme ait jamais exercée, puisqu’elle s’étend jusqu’aux choses les plus intimes de la morale et de la vie privée. Un petit Traité de quelques pages à peine, où il a entrepris de concilier, sur la question de la transsubstantiation, les partisans de Zwingle et ceux de Luther, — en leur donnant également tort à tous deux, — le met au premier rang des théologiens de la Réforme. Il fait paraître en même temps la première traduction française de son Institution chrétienne (1541), revue, augmentée, plus savamment et plus systématiquement ordonnée que la première édition latine, qui n’était qu’un petit livret : brève enchiridion, ce sont ses propres expressions. Le livre, sous cette forme nouvelle, devient rapidement le Compendium de la dogmatique protestante. L’autorité de Calvin en est accrue d’autant ; et, de ce jour, Genève entre avec lui dans son rôle historique : elle est devenue « la cité de Calvin, » en attendant qu’elle soit bientôt « la Rome protestante, » le centre où toutes les Églises réformées, l’allemande même et l’anglaise, vont adresser leurs vœux, demander des conseils ou des consultations, faire leurs plaintes, et, en cas de besoin, chercher les unes contre les autres un point d’appui, un excommunicateur, et un maître.

Arrêtons-nous donc ici pour étudier son œuvre, ou plutôt la partie de son œuvre qui nous appartient : c’est celle qu’il a écrite