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Maistre ne feront pas plus tard une place plus considérable à la cause première dans le gouvernement des affaires de ce monde ! Ont-elles donc été « théologiques » ou « morales ? » Je crois qu’on devrait plutôt les nommer « historiques, » si, ce qui lui a paru le plus inacceptable du catholicisme, il semble bien que c’en soit le chapitre de la tradition. Serait-ce après cela le calomnier que de faire, dans le développement ou dans la formation de son protestantisme, une part à l’ambition de ne recevoir de loi que de lui-même ? Etiamsi omnes, ego non ! Si quelqu’un n’a jamais admis que l’on pût avoir raison contre lui, ni qu’il eût tort contre personne, assurément c’est Jean Calvin.

L’impossibilité de répondre d’une manière certaine à ces difficiles questions nous explique l’obstination avec laquelle on scrute ses premiers écrits, le Discours de Nicolas Cop ou le commentaire du De Clementia. S’il y a certes des points délicats, il n’y a point d’obscurité dans le dessein général de Calvin, ni dans ses intentions une fois formées, mais on ne saura jamais comment, dans quelles circonstances, à quelle occasion, sous l’impulsion de quel mobile il a commencé de les former. Il y aura toujours quelque chose d’énigmatique dans les origines de sa résolution. C’est encore ce qui le distingue d’un Henri VIII ou d’un Luther, et, avec lui, notre Réforme française, de l’allemande ou de l’anglaise. Mais ce n’est pas aussi ce qui fait le moindre attrait, je veux dire le caractère le moins singulier de cette physionomie impassible et fermée. Le « secret » de Calvin, qui a fait en son temps une partie de sa force, continue de le servir encore, et la résistance qu’il oppose à notre curiosité nous inquiète, nous irrite, et finit par nous imposer.

Cependant, et tandis qu’à Nérac et à Angoulême, dans la conversation de Lefebvre d’Étaples, sa doctrine prochaine achevait de se préciser, l’affaire des Placards éclatait à Paris. Le 18 octobre 1534, des Placards contre la messe et la transsubstantiation, en français, avaient été affichés dans Paris, à Orléans, et jusqu’à la porte même de la chambre du roi, à Amboise. Il s’en était suivi un redoublement de persécutions contre tout ce qui sentait l’hérésie. Calvin, déjà compromis, se décidait à s’exiler de France, et, passant la frontière, se dirigeait d’abord sur Strasbourg, d’où il allait s’établir à Bâle. Sa vie publique était commencée. Il venait d’avoir vingt-cinq ans.

Son histoire, à dater de ce moment, est tout entière au grand