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en hâte et de chercher un refuge à Bâle, mais Calvin, comme son ami, se trouva impliqué dans la procédure entamée contre le recteur, et ne put éviter une arrestation qu’en quittant Paris pour Angoulême, d’abord, et bientôt pour Nérac. Nérac appartenait à la reine de Navarre ; et si jamais la reine de Navarre a incliné vers le protestantisme, c’était alors, au lendemain de l’affaire du Miroir de l’Ame pécheresse.

Ce qui fait l’intérêt de ces discussions, qui pourraient autrement sembler assez insignifiantes, — et en effet qu’importe un opuscule de plus ou de moins dans les cinquante-six volumes de la collection des Opera Calvini ? — c’est qu’à vrai dire, les motifs de sa conversion aux idées de la Réforme nous sont toujours assez mal connus.

Il n’y a rien, on le sait, de plus varié, ni de plus secret, de plus caché souvent à elles-mêmes, que les chemins qui mènent les âmes religieuses d’une croyance à une autre ; et, quand elles ne nous ont pas laissé de « confessions » personnelles qui nous guident, rien n’est donc plus difficile que de voir clair dans les motifs obscurs d’une conversion. Or, tout au rebours de Luther, qui semble, lui, toujours prendre à témoin de tout ce qui se passe au dedans de lui l’univers et la postérité, Calvin ne nous a point laissé de confessions, encore moins de Propos de Table, ni, dans la collection de ses Œuvres ou de ses Lettres même, rien qui nous en puisse tenir lieu. Il nous dit bien, — dans la préface de son Commentaire sur les Psaumes, — que, « combien qu’il fût obstinément adonné aux superstitions de la Papauté, Dieu, par une conversion subite, dompta et rangea à docilité son cœur trop endurci en telles choses ; » et nous savons, d’autre part, qu’il résigna ses bénéfices au mois de mai 1534, ce qui était la consommation de la rupture. Mais, pour « subite » qu’elle fût, sa conversion ne s’est pas faite en un jour, et on aimerait savoir quelles en furent les raisons.

Elles n’ont certainement pas été « philologiques ; » et ni avant sa conversion ni depuis, il ne semble que Calvin ait un moment douté de l’authenticité de la révélation. On le verra plus tard poursuivre en Sébastien Castalion le blasphémateur du Cantique des Cantiques. Elles n’ont pas été « philosophiques ; » et ni le surnaturel général, ni ce surnaturel particulier dont l’action se mêle, sous le nom de Providence, à la vie quotidienne de chacun d’entre nous, n’ont offensé son rationalisme. Bossuet même et Joseph de