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II

On trouvera, dans l’ouvrage de M. Abel Lefranc sur la Jeunesse de Calvin (Paris, 1888, Fischbacher), et surtout dans celui de M. E. Doumergue : Jean Calvin, les hommes et les choses de son temps (Lausanne, 1899, G. Bridel), les derniers renseignemens qu’on ait pu jusqu’ici réunir sur les premières années du réformateur. Il naquit le 10 juillet 1509, à Noyon, où son père, Gérard Gauvin, cumulait les fonctions de « notaire apostolique, procureur fiscal du Comté, scribe en cour d’Eglise, secrétaire de l’évêché et promoteur du chapitre. » Sa première enfance, dont nous savons d’ailleurs peu de chose, n’offrit rien d’extraordinaire, et s’il n’avait que douze ans quand son père lui obtint la collation de son premier bénéfice, ce n’était en ce temps-là qu’un abus trop commun. Il fit ses humanités à Paris, au collège de la Marche, où il eut pour maître Mathurin Cordier, qui devint plus tard son disciple, et ensuite au collège de Montaigu, 1523-1528. Puis, son père « ayant résolu de le faire étudier aux lois, comme estant le meilleur moyen pour parvenir aux biens et aux honneurs, » il alla faire son droit à Orléans, et à Bourges, 1528-1531, où enseignait le célèbre Alciat. Entre temps, on l’avait pourvu d’un second bénéfice, qu’il devait deux ans plus tard échanger contre un troisième.

La mort de son père, en 1531, interrompit les études de Calvin, et le laissa libre de suivre ses goûts. Il vint s’établir à Paris, chez un de ses oncles, Jacques ou Richard, qui tous deux y exerçaient le métier de serrurier ; et, pour ses débuts d’homme de lettres, il entreprit un ample commentaire du De Clementia de Sénèque. On discute encore si ce commentaire, qui parut en 1532, est ou n’est pas déjà « calviniste. » Son second ouvrage, — le Discours qu’il composa pour un de ses amis, Nicolas Cop, recteur de l’Université de Paris, et que celui-ci prononça dans la séance de rentrée solennelle des quatre Facultés, le 1er novembre 1533, — l’est-il davantage ? Il roule sur cette « philosophie chrétienne » dont Érasme avait créé le nom pour l’opposer à la « philosophie scolastique ; » et, ce que Calvin n’a pas emprunté d’Érasme, on veut qu’il l’ait emprunté d’un sermon de Luther. Il n’y a rien d’impossible. En tout cas, ce qui est certain, c’est que le scandale excité par ce discours non seulement obligea Cop de s’enfuir