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grande homogénéité. Mais ces teintes étaient réduites, volontairement ou non, par la coutume, à quelques couleurs classiques. Le vase de Portland, ce type du vase camée, n’est que du blanc opaque sur du bleu noir. Au contraire, M. Galle voulait enfermer dans ses verres tous les rayons. Il rêvait de reproduire au bout de sa canne à souffler les splendeurs changeantes qu’il voyait fleurir au bout des tiges dans les champs de la Lorraine. Penché sur les harmonies végétales, il songeait à construire des coupes comme de petits monumens à la gloire des fleurs. La gravure en camée ne lui suffisait pas. Il fut donc conduit à une technique nouvelle. Hardiment, à la gravure en camée il substitua la marqueterie du cristal. Ces pâtes de verre colorées, dont on ne pouvait mettre que deux ou trois l’une sur l’autre, il les fixa sans nombre, à chaud, en fusion, les unes à côté des autres. A la superposition des verres il substitua la juxtaposition des verres. Il n’en fallait pas plus pour que la palette du verrier devînt l’égale de la palette du peintre. Du camée et du camaïeu, on bondissait jusqu’à l’arc-en-ciel. L’enthousiasme avait créé une technique. La technique allait donner un art.

C’est alors que les choses sous-marines exercèrent une action bienfaisante. Là où les formes sont si pauvres et si hésitantes, les couleurs sont d’une richesse inouïe et d’une affirmation solennelle. L’enseignement de la nature sous-marine est tout différent, selon qu’il s’agit de ses formes ou de ses couleurs : ses formes bégaient, ses couleurs chantent. Ces boules gélatineuses, ces champignons chevelus, ces arbres vivans, aux courbes incertaines, ne peuvent exciter que le mépris du sculpteur, mais quelle joie pour les yeux d’un Rubens ou d’un Vélasquez que le rose fondu dans le vert de l’haliotide ; que le blanc d’opale de la méduse avec sa couronne de lilas clair ; que le rouge profond de la porcelaine ou le fin azur de la physalie ! Comment rendre ces nuances splendides, mais incertaines, changeantes et infinies ?

« La peinture, disait Michelet, n’y a pas mieux réussi que la sculpture. Elle a peint les fleurs animées comme elle aurait fait des fleurs. Ce sont, au fond, des couleurs extraordinairement différentes. Les gravures coloriées dont on se contente en donnent la plus pauvre idée. Leurs teintes plates, pâles, quoi qu’on fasse, n’en rendent jamais l’onctueuse douceur, la souplesse, la tiède émotion. Les émaux, si l’on s’en servait, comme l’a essayé Palissy, y seraient toujours durs et froids ; admirables pour les