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sculpteur, mais en véritable peintre, procédant, comme les anciens émailleurs de Limoges, par transparence, de façon à laisser apparaître la pâte colorée du dessous et à obtenir ainsi un modelé doux et harmonieux. »

Ce triomphe de la peinture s’affirme partout : dans les bijoux de M. Lalique : ils sont beaucoup plus d’un peintre que d’un sculpteur ; dans les papiers peints d’Essex, où M. Voisey a mis, avec les nues volantes d’oiseaux qui forment sa signature, un sentiment de l’harmonie que vous chercheriez vainement dans toute la Rétrospective du papier peint, enfin dans les marqueteries aux nuances infinies de M. Galle. Regardez son bahut La Montagne : il contient sur ses panneaux de véritables vues alpestres. Considérez sa commode en noyer de Turquie et vous apercevrez des villes en flammes, des minarets, toute une peinture des massacres d’Arménie. Huit cents bois différens d’essences naturelles et de teintes diverses forment sa palette d’ébéniste ; il les mélange comme un tapissier fait ses laines, et il n’est pas rare que, sur le même plateau grand comme la main, l’art subtil et les curiosités étranges de ce coloriste aient rassemblé des bois nés sur les points du globe distans les uns des autres de plusieurs milliers de lieues.

Mais que dirons-nous de ses verreries ? Si nous poursuivons notre route jusqu’au bout de l’aile gauche des Invalides, nous les trouverons au premier étage, entre l’exposition de Sèvres et les cristalleries du monde entier. Placée sur une corniche obscure, à pic d’un côté sur un escalier et de l’autre sur un bazar, surmontée de grands épis de blé, tout fâchés, aux barbes retroussées, cette longue vitrine s’aperçoit de loin. C’est ici le refuge de ceux qui cherchent quelque motif d’espérer pour l’Art. Espoir de couleur, surtout, car, si l’ancien verre était d’une inépuisable ingéniosité de lignes et de filigranes, combien ceux qui aiment la couleur lui souhaitaient plus de nuances, plus de fondu, plus de profondeur ! Etait-il donc impossible de lui donner plus de vie, plus de vérité, et de reproduire en lui, sans perdre son éclat, les couleurs qui font la joie des yeux sur la terre, sur la mer et dans le ciel ? On avait bien la ressource de superposer plusieurs couches de verre chacune d’une teinte différente, et de creuser dans ses trois couches plus ou moins profondément, de manière à faire apparaître tantôt une couleur tantôt l’autre. C’est la gravure en camée. On obtenait ainsi une grande douceur et une