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partout on s’empressât de dire : la France, c’est lui. Et de fait, plusieurs mois durant, Gambetta fut la France.

Au lendemain de Sedan, les sections françaises de l’Internationale envoyaient un message au peuple allemand : « Tu ne fais la guerre qu’à l’Empereur, et point à la nation française, a dit et répété ton gouvernement. La France républicaine t’invite, au nom de la justice, à retirer tes armées ; sinon, il nous faudra combattre jusqu’au dernier homme et verser à flots ton sang et le nôtre. » Beslay, le futur doyen de la Commune, Tolain, le futur sénateur, MM. Camélinat et Vaillant, plus tard députés, M. Longuet, plus tard conseiller municipal, signèrent ce manifeste. Jules Favre, de son côté, dans la première circulaire qu’il adressait à nos agens diplomatiques, après avoir rappelé, sans remords et sans gêne, qu’il avait demandé à l’Empire de laisser l’Allemagne maîtresse de ses destinées, ajoutait : « Le roi de Prusse a déclaré qu’il faisait la guerre, non à la France, mais à la dynastie impériale. La dynastie est à terre ; la France libre se lève. » Vous retrouvez, entre les lignes de ces proclamations, la vieille distinction entre la guerre offensive et la guerre défensive. L’Empire, au dire du parti républicain, avait, en juillet 1870, déclaré une guerre offensive : la démocratie allemande s’était défendue. Les désastres d’août et de septembre avaient permis à l’Allemagne de devenir une conquérante : la démocratie allemande devait s’abstenir. Et la démocratie française, de son côté, passive ou paresseuse pour une guerre offensive, s’armerait jusqu’à épuisement pour la guerre défensive, si l’Allemagne l’y contraignait. C’est ainsi que le Quatre-Septembre avait modifié la situation réciproque des belligérans.

Dès lors, puisque la guerre était devenue défensive, la levée en masse s’imposait. A l’abri des souvenirs de 1792, on pouvait, tout ensemble, se sentir patriote et révolutionnaire. On y puisait une certitude électrique de la victoire ; et Trochu, qui seul y demeurait rebelle, encourut la mauvaise humeur des membres parisiens de la Défense. Aux yeux de Trochu, c’était la « véritable armée française » qui avait succombé en août, et le régime nouveau n’avait à opposer à l’Allemagne « que des soldats de convention dont le bon vouloir patriotique ne suffisait pas à égaliser les chances absolument disproportionnées de la lutte. » Les hommes de la Défense, au contraire, tels que Trochu les dépeint, saluaient en ces soldats l’avant-garde, probablement invincible,