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tions, trois points linéaires, tout prêts à éclater chacun dans l’une des trois dimensions de l’espace ; » si le rayon solaire se divise en trois rayons (de force, de lumière et de chaleur), comme la gamme de sept notes peut se ramener aux trois notes fondamentales de l’accord parfait ; si toute chose enfin porte quelque vestige de la Trinité et pour ainsi dire le cachet du Dieu unique en trois personnes : c’est donc qu’il y a de l’harmonie, de la géométrie et même de la physique dans la théodicée.

Il y a de la géométrie dans la morale. Saint Augustin n’a-t-il pas été jusqu’à parler des dimensions de notre âme ? Bossuet en distinguait le fond et la surface, et Kepler a écrit un chapitre sur « l’Affinité de l’âme et du cercle. » Dans l’âme enfin, et dans les âmes, il y a de l’astronomie. Autour du centre ou du foyer de leur vie, les âmes, comme les astres, décrivent des orbites diverses : « Dans les unes l’excentricité est énorme, dans les autres elle est très petite. » Une même âme peut éprouver des alternances de mouvement. Tantôt l’ellipse tend au cercle, c’est-à-dire à la perfection : « les deux foyers tendent à se réunir en un seul point et y parviennent un instant ; » tantôt « ce centre se dédouble et les foyers reparaissent. » Hélas ! il est même des âmes qui n’oscillent point ainsi. Pour celles-là, qui sont hors de la vie, « l’excentricité est si énorme… qu’elle ne saurait se ramener… Il est certain qu’il y a des astres, et peut-être y a-t-il des âmes, qui, au lieu d’anéantir l’excentricité, la poussent à toute outrance, crèvent leur ellipse, se détachent complètement du soleil et vont se perdre dans les ténèbres[1]. »

Le second volume de la Connaissance de l’Âme est rempli presque tout entier par cette théodicée et cette psychologie qu’on pourrait appeler cosmique. « Qu’allez-vous chercher dans les astres ? » demandait-on parfois au noble contemplateur, dont les regards ne redescendaient plus. Il y cherchait la dernière, j’entends la plus haute et la plus vaste des harmonies, celle qui enveloppe toutes les autres, et qui consomme ou couronne l’ordre entier de l’intelligence. Quand il l’avait pour ainsi dire entendue résonner en même temps dans le ciel physique et dans le ciel de l’âme, quand il avait découvert tant de profondes conformités entre les vérités de la science et celles de la foi, alors peut-être il avait bien le droit de redire avec enthousiasme les belles paroles

  1. Connaissance de l’Âme.