Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 161.djvu/831

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plébiscite comme après le premier, traitait en ennemi intérieur le chef de la nation, redoutait que la patrie, ainsi confisquée, ne devînt un danger pour le reste de l’humanité ; elle en était inconsolable.

Derrière toutes les manifestations du parti républicain, au fond de toutes ses polémiques, à l’origine de toutes ses illusions, trois erreurs subsistaient, tenaces, et c’étaient des erreurs de fait. De l’histoire de 1792 et de 1793, il induisait qu’une armée n’a pas besoin d’être longuement exercée ; de l’exemple de la Prusse, il concluait que le militarisme était suranné ; de l’intimité que lui avaient témoignée, en territoire suisse, quelques démocrates allemands, il augurait que l’Allemagne ne menaçait point la France. Une année devait suffire pour amener beaucoup d’hommes du parti républicain à une triple résipiscence ; année si soudainement instructive, qu’Hugo la qualifia de terrible. Et les autres, les impénitens, saisissant violemment l’héritage des erreurs désertées par l’ensemble du parti, se donnèrent comme les seuls défenseurs de la République et provoquèrent la Commune.

Voir évoluer, entre ces deux points extrêmes de l’horizon des idées, dont l’un s’appelle patriotisme et l’autre humanitarisme, la génération qui commençait de régir la France ; saisir les alternatives de conduite qui la ballottaient entre l’un et l’autre de ces pôles ; débrouiller le chaos d’idées contradictoires, — aspirations patriotiques, doctrines anti militaristes, — où se débattirent les protagonistes de la Défense nationale et de la Commune ; épier les survivances des thèses humanitaires dans le cerveau de ces hommes nouveaux, et parfois en constater l’évanouissement ; ressaisir en revanche, parmi les fidèles de la maçonnerie, l’ambitieux appareil de ces doctrines, et les retrouver en 1871 non moins solennelles, non moins inaccessibles aux leçons des événemens, non moins périlleuses pour l’intégrité de l’idée de patrie, qu’elles ne l’étaient en 1869 : tel est l’objet de cette étude.


I

En mars 1870, Camille Rousset, avec l’autorité qu’assurait à son nom la récente Histoire de Louvois, publiait un livre intitulé : Les Volontaires, 1791-1794. Ce livre prétendait marquer la