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LE P. GRATRY.

la démonstration de l’existence de Dieu. Le P. Gratry a défini cette démonstration : « Le plus haut emploi d’un procédé général de la raison, dont la méthode géométrique infinitésimale est une application particulière… Ce procédé, qui en géométrie s’élève à l’infini mathématique, s’élève aussi, en métaphysique, à l’être infini qui est Dieu. Rigoureux comme la géométrie, il est en outre de beaucoup le plus simple et le plus rapide des deux procédés de la raison. Il consiste, étant donné par l’expérience un degré quelconque d’être, de beauté, de perfection, — ce qui est toujours donné dès qu’on est, qu’on voit, qu’on pense, — il consiste, disons-nous, à effacer immédiatement par la pensée les limites de l’être borné et des qualités imparfaites qu’on possède ou qu’on voit, pour affirmer sans autre intermédiaire l’existence infinie de l’être et de ses perfections correspondantes à celles qu’on voit[1]. » Mais, si le cardinal Perraud se défend, — avec trop de modestie, — d’entrer dans l’analyse détaillée de cette théorie, quelle ne serait pas, si nous l’osions, notre témérité ? Il suffira, croyons-nous, d’avoir signalé cette application d’un procédé rationnel et scientifique à la démonstration des vérités surnaturelles, comme le dernier et peut-être le plus éclatant hommage que le philosophe et le théologien ait rendu à la raison.

Ces « deux régions du monde intelligible » que le P. Gratry distinguait tout à l’heure, il s’est consacré, sans jamais les confondre, à les comparer toujours. Cette comparaison constante, et constamment renouvelée par des exemples sans nombre, est une des parties les plus fortes en même temps que les plus originales de sa doctrine et de sa méthode. Elle établit entre les choses de nouveaux rapports, c’est-à-dire des lois nouvelles. Et, s’ils n’offrent pas toujours avec évidence le caractère de nécessité qui seul fait la loi, ces rapports ont du moins l’apparence, la valeur spéculative d’hypothèses parfois ingénieuses, parfois grandioses, et tout près d’être sublimes. Toujours le mot de Leibniz : « Il y a de l’harmonie, de la métaphysique, de la géométrie, de la morale partout. « Voyons comment, après avoir cité ce mot, et même, nous l’avons dit, y avoir ajouté, le P. Gratry va le vérifier. Si, par exemple, comme l’expose à propos du dogme de la Trinité l’auteur de la Philosophie du Credo, si le point solide, élément de l’espace plein, implique « trois élémens, trois direc-

  1. Connaissance de Dieu.