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inaccessibles de l’atmosphère terrestre ; il nous a ouvert l’étude des atmosphères planétaires au point de vue de la présence de l’eau, cet élément capital pour l’entretien de la vie. Il lui a été donné, à quelque temps de là, de constater par ce moyen la présence de l’eau dans l’atmosphère de Mars, pendant un séjour au sommet de l’Etna (1867). On ne peut assez insister sur l’importance de ces résultats, qui ont doublé le champ des études spectrales ; mais il faut dire tout de suite qu’ils ont été complétés plus tard par les recherches de M. Janssen et de M. Egoroff sur le spectre de l’oxygène, qui ont démontré qu’un certain nombre des raies telluriques sont dues à ce gaz. En effet, l’action absorbante de l’oxygène se manifeste par un système de raies fines, plus ou moins sombres, qui forment les groupes A, B, α, du spectre solaire, et par des bandes obscures, non résolubles, dans le rouge, le jaune, le vert, le bleu. Ces raies et ces bandes s’atténuent beaucoup au sommet des montagnes, et il est probable qu’elles s’évanouissent aux limites de l’atmosphère ; elles ne proviennent pas de l’action de la photosphère du soleil.

Pour résoudre ce problème, M. Janssen a tenté bravement, au mois d’octobre 1888, l’ascension de la station des Grands-Mulets, située sur le massif du Mont-Blanc, à plus de 3 000 mètres au-dessus du niveau de la mer, et sur la route qui conduit à la cime de la montagne. Entourée de glaciers, cette station était favorable aux observations, car M. Janssen avait résolu de les exécuter par un temps très froid et dans un lieu très élevé, afin d’éliminer plus sûrement les groupes telluriques dus à l’action de la vapeur d’eau, qui, dans les circonstances ordinaires, se mêlent aux groupes de l’oxygène et deviennent une cause de confusion. Mais l’ascension des Grands-Mulets présentait, à cette époque de l’année, des difficultés particulières. Le refuge était déjà abandonné, et il était tombé récemment une grande quantité de neige qui avait effacé les sentiers et masquait les crevasses ; enfin le froid, déjà rigoureux, rendait nécessaires des dispositions spéciales en vue d’un séjour prolongé. Le chef des guides avait pourtant déclaré que l’expédition n’était pas absolument impossible. Il faut lire l’émouvant récit que M. Janssen a fait de cette ascension. Il avait été obligé de se faire porter, pendant une partie du chemin, par une troupe de guides, à l’aide d’un appareil composé d’une échelle au centre de laquelle était suspendu un siège léger. Les instrumens, sortis de leurs caisses, avaient été distribués par fractions qui per-