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LES
TRONÇONS DU GLAIVE

QUATRIÈME PARTIE[1]


XIII

Une lampe fumeuse éclairait à peine l’atelier de Martial ; hors du rond de lumière jaunâtre, les murs, les rares meubles, l’immobilité confuse des statues enveloppées de linges s’enfonçaient dans l’ombre, le froid silence de ce petit matin qui était encore de la nuit. Au dehors, les cadences sourdes des tambours, à tous les coins de la ville, faisaient, dans la misère des mansardes ou le confort des chambres, s’agiter par milliers le réveil de la garde nationale. On était au 19 décembre, et de nouveau une vaste opération, pompeusement annoncée par le Gouverneur après quinze jours d’inexplicable torpeur, allait utiliser cette immense armée de Paris, qui depuis les batailles de la Marne s’usait à vide, dans l’incroyable marasme où la laissait l’incurie de ses chefs. Les soldats, sans jamais voir la plupart de leurs officiers, croupissaient dans la neige et la boue ; jamais d’exercices, nuls soins de propreté ; un abandon de soi qui du corps gagnait l’âme. Deux semaines d’inaction, succédant à l’héroïque effort de Champigny et de Villiers, dissolvaient ces masses doutant de

  1. Voyez la Revue des 1er et 15 septembre et du 1e.