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les constitutions n’ont rien d’immuable. On peut toujours les modifier, soit en bien, soit en mal. Elles se modifient même à l’usage, sans qu’on ait besoin pour cela de Congrès ou de Constituante, par suite d’une loi générale qui s’applique à tout ce qui vit. Notre Constitution s’est beaucoup modifiée déjà. Quoi qu’il en soit, M. Loubet, en ne fermant pas la porte à toute révision, a désarmé certaines hostilités. Il s’est attiré les félicitations de quelques-uns de ses adversaires de la veille, sans mécontenter personne, ce qui est un double résultat. Son discours aura-t-il d’autres suites ? La politique qu’il y a indiquée pré-vaudra-t-elle dans la pratique ? Cela est plus douteux. Si les choses continuent d’évoluer dans le sens radical et socialiste, le souvenir même de la journée du 22 septembre ne tardera pas à s’estomper dans les ombres du passé. Le gouvernement de la République est peut-être celui de tous qui a été le plus habile à nous donner des fêtes éclatantes. C’est un décor lumineux ; mais la pièce qu’on y joue nous intéresse encore davantage. Elle dure et se prolonge pendant que le décor pâlit et s’efface. Le banquet des maires est d’hier : nous avons aujourd’hui un mouvement préfectoral qui est un acte de combat, et, — ce qui est infiniment plus grave, — un décret et des mesures par lesquelles M. le ministre de la Guerre désorganise l’École de Saint-Cyr. C’est un triste lendemain !

Pour être complets, nous devons dire un mot du banquet qui n’a pas eu lieu à l’Hôtel de Ville : incident malheureux, dont la conséquence a été de mettre le Conseil municipal de Paris et le gouvernement à l’état d’hostilité déclarée. Il semble bien que, des deux côtés, on ne cherchât qu’une occasion ou un prétexte de prendre résolument cette attitude ; mais le Conseil municipal n’a pas été bien inspiré dans la manière dont il a procédé. C’était de sa part une pensée toute naturelle et parfaitement convenable que d’organiser un banquet à l’Hôtel de Ville le lendemain de celui des Tuileries. L’espace manquait pour réunir plus de vingt mille personnes : il fallait se borner, et n’inviter que les maires des grandes villes de France et de l’étranger, car le Conseil municipal avait eu l’idée, excellente en soi, d’associer aux représentans de nos municipalités françaises ceux de plusieurs municipalités du dehors. Mais, parmi les éliminations qu’on était condamné à faire, il était inadmissible que le Président de la République et les membres du gouvernement fussent compris. Le Président de la République a bien été invité : seulement il l’a été tout à la dernière heure, et sans ses ministres, ce qui ne lui permettait en aucune manière d’accepter l’invitation. Le bureau du Conseil municipal,