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et de table. Car les couteaux, exposés par les musées du Mans et de Dijon, sont des instrumens d’office, en général, et remarquables autant par leur bel état de conservation que par le précieux de leur travail. Ils datent du XVe siècle et ont, presque tous, appartenu aux ducs de Bourgogne, dont les armes s’étalent, en appliques d’émaux, sur les mitres et les capules. Les étuis ou gaines coutelières sont de magnifiques ouvrages de fourrellerie. Le vélin en est doré, peint, gaufré suivant les meilleurs principes de l’art français, ou bourguignon, pour mieux dire — ce qui n’est pas absolument la même chose, — à cette époque où la renaissance italienne n’avait pas encore contrarié l’originalité nationale. Ce sont, entre tous, des spécimens rares et précieux, d’une industrie depuis longtemps tombée en désuétude, et que les ordonnances des métiers avaient réglementée sévèrement jusqu’aux derniers jours de l’ancien régime.

Les épées et les dagues exposées sont loin de valoir ces trousses. La plupart n’offrent rien de particulièrement remarquable pour se présenter ainsi isolées. Il en est de même des armures. Celles-ci, en général mal assemblées, appartiennent, pour la majeure partie, à la seconde moitié du XVIe siècle. On a fait grand bruit autour d’une armure, repoussée à mascarons et à grands rinceaux, et qui aurait appartenu à Henri II, parce qu’elle se rapporte assez exactement à la figuration équestre de ce roi, reproduite dans les Antiquités de Willemin. Je n’en connais pas les origines. Tout ce que j’en puis dire est que le parti décoratif assez large en vaut mieux que l’exécution, assez grossière et médiocre. Rien ne prouve qu’elle soit d’un travail français ni qu’elle ait été travaillée au Petit-Nesle. On sait bien que dans les ateliers du Petit-Nesle, assez voisins du Louvre, avait été installée une colonie cosmopolite d’orfèvres et de ciseleurs, parmi lesquels les plus notoires furent André Mutuy, Pierre Baulduc, qui était un Allemand, Paul Romain et Ascanio Desmarriz, ceux-là Italiens. Mais on ignore à peu près tout de ces artistes, et de leurs œuvres. Pour l’armure du Musée de Draguignan, attribuée à François II, c’est un harnois bleui, à bandes gravées et dorées, d’un travail très ordinaire et d’une conservation assez bonne. On y voit un monogramme figurant deux M entrelacés, unis par un cercle extérieur, des F couchés et des S fermés. Ces derniers signes ont été pris, par certains, comme une preuve de l’amour ardent que porta le petit Valois à son épouse Marie