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— montage qu’un abbé illustre eût appelé « un assemblage adultère, » — sans insister sur cette armure du Musée de Draguignan dont les brassards et les gantelets sont montés à l’envers, sans faire remarquer, plus qu’il ne sied, combien l’attribution à Philippe le Bel d’un bassinet de 1340 environ, est illusoire, disons, une fois pour toutes, que la préoccupation d’exposer des objets exclusivement français, a mené l’organisateur aux pires aberrations. A vrai dire, pour les amateurs d’armes, la visite au pavillon de l’Espagne est un pèlerinage d’enthousiasme, la visite au pavillon de la Hongrie une partie de plaisir, la visite au Petit Palais est la plus amère des désillusions. Qu’on ne se méprenne point sur l’apparente aigreur de ce jugement ! Il ne manque pas au Petit Palais de sujets intéressans pour l’étude, si peu nombreux qu’ils soient. Mais la foule ne se porte pas vers l’Exposition pour étudier, elle s’y rend pour se distraire et s’instruire. Plus d’un visiteur aimerait, un bon catalogue en main, se rendre compte de ce qu’il voit, tant il est vrai que l’ignorance ne tient, chez beaucoup, qu’au défaut même du moyen de s’instruire. Or, si les Allemands et les Anglais possèdent, en leur langue, des guides fort complets pour le Petit Palais, le catalogue français n’a paru, lui, qu’à la dernière heure, et les numéros de référence n’ont été mis que des mois après sur les objets exposés ! Les conservateurs de nos Musées, chargés par surcroît de l’Exposition, n’ont point le temps, pas plus aux Invalides qu’au Louvre, de s’abaisser jusqu’à renseigner le public. De minimis non curai prætor, on ne met guère d’étiquettes dans nos Musées. A l’entrée du Petit Palais, quelques douzaines d’armures sont là pour nous le prouver. Les Musées ont leurs catalogues, le public est là pour les acheter, de même que la mode est de dire aujourd’hui : les amateurs sont là pour doter nos Musées et de leur argent et de leurs collections. Cet acheminement vers le socialisme d’Etat ne laisse pas de me rendre rêveur.

J’ai dit et je répète que l’étiquetage est insuffisant. Seul jusqu’ici le Muséum du Jardin des Plantes s’est astreint à étiqueter les pièces exposées dans ses galeries. Aussi cet établissement est-il généralement accusé de manquer d’élégance. Le désordre est d’une allure plus artiste. Le Petit Palais se recommande par sa note artiste. Les objets y sont disséminés au hasard, et suivant leurs dimensions. Aussi n’en parlerai-je qu’avec une extrême réserve, car je n’en sais guère plus, sur ses trésors, que