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intérêt du détail. Les effigies funéraires hongroises ne se recommandent point par de pareilles qualités, elles méritent cependant qu’on s’y arrête, comme aussi certaines statues d’église. Je crois devoir signaler le curieux Saint-Georges en bois sculpté, peint et doré de Loëse. Cette statue équestre d’une facture gracieuse et naïve, datée du XVe siècle, nous montre dans sa pleine sincérité le harnois gothique avec sa haute pansière à nervures, sa braconnière évasée à trois lames, et ses vastes tassettes prolongées sur les côtés pour former une faudière complète par sa jonction avec le battecul ou garde-reins à cinq lames. Le Saint-Georges de l’église de Loëse a dû être exécuté vers 1470, si l’on s’en rapporte à l’architecture de son harnois ; mais, dans les joutes, on en a porté encore de tels, au milieu même du XVIe siècle, comme le prouvent ces armes de Maximilien II, montées sur un mannequin assez convenablement agencé, que possède notre Musée d’artillerie. C’est, au reste, le seul exemple d’armures archaïques, — encore est-il théorique, — que nous trouvions au pavillon de Hongrie. A l’exception des quelques harnois de joute allemands précités, toutes les défenses de corps, du XIIIe au XVIIe siècle, sont des chemises de mailles, à la turque ; ou bien elles sont construites comme des brigandines sans recouvrement de tissu, en lamelles imbriquées, à l’instar des panoplies indiennes. Un de ces corps se recommande par son travail précieux. Les petites plaques argentées qui le composent, finement repoussées, à ornemens déliés, sont rivées à recouvrement par séries longitudinales, réunies elles-mêmes latéralement par de petits anneaux. Cette disposition assure à l’ensemble une certaine flexibilité, dans tous les sens. Les appliques dorées qui rehaussent la poitrine sont ses étoiles alternant avec des chatons massifs, où sont serties de grosses gemmes en cabochons à fond de cuve. Telle est la brigandine hongroise, sans doute de la fin du XVIe siècle, sinon plus basse d’époque, qui fait le passage entre la maille et les fortes cuirasses à l’épreuve qui deviennent la règle, au XVIIe siècle.

Celles-ci se rapportent à la guerre moderne. Leur épais acier, renforcé au plastron, peut défier la balle du mousquet ; aujourd’hui encore, à longue portée, elles protégeraient leur homme. Mais elles sont d’un poids effrayant. Leur caractère artistique est nul. Courtes et larges de taille, trop échancrées aux épaules, massives et sans grâce, elles sont celles que toute l’Europe