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de justice, j’e dois dire n’en avoir jamais vu aussi riche collection qu’à ce pavillon de la Hongrie. La plupart des familles princières de ce pays gardèrent, en effet, le droit de haute et basse justice ; jusqu’au commencement de notre siècle, elles avaient pouvoir de faire exécuter par le glaive. Ainsi pour les Esterhazy. C’est pourquoi l’on portait devant ces seigneurs, dans les solennités, les épées de justice, avec ces petites bannières rouges qui se plantaient aux quatre coins de la place où se dressait le billot, aux jours d’exécution. Toutes ces épées de justice sont dans la tradition occidentale, et comme on peut en voir dans nos musées, au Louvre, par exemple. Leur lame plate, longue, large, à deux tranchans, ne va pas en s’effilant du talon à l’extrémité qui est arrondie ou tronquée carrément ; leur garde est une simple croisée à deux quillons sans pas d’âne, avec seulement, parfois, un anneau de côté, dans les types anciens. Seul le pommeau varie de formes suivant les époques, ordinairement de fer ou d’acier, globuleux ou en chapiteau évasé dans les objets archaïques, il est plus ovale, à pans coupés, en laiton ou en bronze, dans ceux du XVIIIe siècle. Je ne puis m’attarder sur les autres épées : aussi bien ne présentent-elles, en général, rien de particulièrement remarquable. Je dirai seulement quelques mots des espadons ou épées à deux mains, car on en voit là un certain nombre d’une très belle conservation. Certaines même possèdent encore leur fourreau, accessoire assez rare dans cette sorte d’armes pour qu’on soit allé jusqu’à en nier l’existence. On sait que l’on entendait par espadon une grande épée excédant toujours quatre pieds démesure et qui, vu ses dimensions, ne pouvait se manier qu’à deux mains. Aussi la fusée est-elle extraordinairement longue, terminée par un petit pommeau qui n’est point là chargé, comme dans les autres épées, de mettre l’arme en équilibre dans la main. La garde est une grande croisée à deux quillons accompagnés, aux basses époques, de vastes anneaux de côté. Certains espadons de la Hongrie possèdent même un simple ou double pas d’âne. Mais c’était là plutôt un ornement, encore que les Allemands aient toujours apporté le plus grand soin à protéger la main qui empoignait l’épée. Des arrêts falqués hérissent le long talon plat de la lame, ils sont destinés à servir de seconde garde quand on déplace la main pour porter le coup à plus courte distancé, car l’espadon se manie, comme le long bâton, par le déplacement continuel des mains, par un croisement continuel des avant-bras. Cette arme