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casques et des boucliers : c’est qu’ils avaient dans leurs États les artistes capables d’enfanter des merveilles. Ainsi le duc de Mantoue offrait-il à Charles-Quint, en 1535, toute une collection de rondaches et de bourguignotes dont on peut voir un choix au pavillon de l’Espagne.

Mais, pour ses armes de guerre et de tournoi, l’Empereur n’attendait de cadeaux de personne. Il les commandait à ses fournisseurs ordinaires, les bons batteurs de plates augsbourgeois de la famille Coleman, et aussi, parfois, aux Negroli de Milan. C’étaient là de véritables habits d’acier, faits d’après les mesures envoyées, et dont la simplicité n’était rompue, en général, que par des bandes gravées et dorées, suffisantes pour relever la monotonie des surfaces, mais incapables d’arrêter les coups d’épée et de lance. A peine, sur le timbre de l’armet ou de la salade, enlèvera-t-on quelques saillies en relief comme le corps d’une bête fantastique dont le bec s’allongera en visière, dont les ailes descendront en jouées. Quelques défenses de tête, très bien choisies, sont là pour nous bien aider à comprendre l’économie des harnois de combat et de joute. Et deux targes ornées par le célèbre graveur allemand Daniel Hop fer d’Augsbourg ajoutent encore à l’intérêt. C’est qu’en effet la haute pièce et le manteau d’armes sont les renforts indispensables pour le cavalier qui joute, aussi indispensables quel le plastron doublé et la rondache à l’épreuve pour l’homme de guerre qui s’en va à la tranchée. Et si je ne craignais pas d’être accusé de n’être jamais content, je regretterais que le comte de Valencia n’ait pas exposé, à côté des casques et des targes, les photographies des superbes et exacts montages qu’il a exécutés, à Madrid, des armures pour la joute, homme et cheval dûment housses et bardés, qui sont la gloire de l’Armeria. A leur défaut, contentons-nous d’examiner les armets et les targes.

Le beau heaume de champ clos, actuellement exposé à Paris, a appartenu à Charles-Quint pour qui il fut forgé par Desiderius Coleman d’Augsbourg, fils du vieux Lorentz Coleman, qui, en son temps, ne fut surpassé par personne. Longtemps il demeura l’armurier préféré de l’Empereur. Son fils eut à soutenir avec les Negroli de Milan une lutte de concurrence très âpre. Une rondache, conservée à l’Armeria de Madrid, nous en donne une preuve entre toutes originale et singulière : « Longtemps Desiderius lutta de talent pour égaler ces Negroli, pour obtenir ces figures d’un relief aussi saisissant, d’une facture aussi large. Puis, un jour, il