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m’inspirer la pensée de reprendre et d’achever, non pas ma chanson de geste tout entière, mais au moins ma Jeanne la Flamme, dont la grande et sympathique figure passe et repasse sans cesse devant moi et fait à ma lyre brisée de fréquens appels. Mais si mon enthousiasme n’est pas éteint, la volonté me manque autant que les forces. Une main tremblante comme la mienne n’écrirait plus que des vers glacés ou débiles. J’ai donc dit à la Muse un nouvel et bien définitif adieu[1].


Il mourut le 6 mars 1876. Un de ses disciples et amis, M. Joseph Rousse, ouvrit une souscription pour couvrir les frais d’une modeste plaque de marbre blanc destinée à perpétuer le souvenir du poète dans l’église de Guérande. Sur cette plaque, dressée contre une des parois de la chapelle de la Vierge, on peut lire en lettres rouges le sonnet qu’Emile Péhant fit pour la Madone, quand il mourait de faim à Paris :


Vierge sainte, ô Marie, étoile du matin,
L’amour que j’ai pour vous, je le tiens de ma mère ;
Sa tendresse à vos soins confia mon destin :
Prouvez-lui que sa foi n’est pas une chimère !

L’athéisme longtemps m’a versé de son vin ;
Sa coupe est à ma lèvre aujourd’hui trop amère :
Je voudrais bien que Dieu m’admît à son festin ;
Mais j’arrive si tard ! j’ai peur de sa colère.

Demandez-lui ma grâce, ô Mère de Jésus !
Tous les cœurs repentans de vous sont bien reçus ;
Contre le désespoir vous êtes leur refuge :

Car dès que vous priez pour des pécheurs contrits,
Dieu ne peut s’empêcher d’oublier qu’il est juge
Pour se ressouvenir seulement qu’il est fils !


Admirable et pieux ex-voto qui entretient le culte du poète parmi ses concitoyens dévots à la Vierge, en attendant que son buste soit élevé, — en face de la mer, — sous les beaux arbres qui bordent les anciens fossés de sa ville natale.


LEON SECHE.

  1. Lettre inédite.