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poème. Et il faut croire qu’il ne put jamais se les procurer, puisque le Siège d’Hennebont ne sortit jamais de sa tête. La chose est d’autant plus regrettable que Jeanne la Flamme s’annonçait comme une œuvre vraiment belle et de beaucoup supérieure à Jeanne de Belleville. Le récit était bien proportionné, sans longueur et sans sécheresse. Le vers, plus souple et plus large, avait pris des ailes et montait aussi haut que la pensée. La rime qui, dans le poème précédent, était souvent pauvre, et comme embarrassée d’elle-même, était riche à présent, pleine de nouveauté et d’inattendu. Bref, à cet immense tableau du Siège de Nantes qui se déroulait durant tout un volume, il ne manquait, selon la judicieuse remarque de Laprade, qu’un peu de fantaisie et quelques élans lyriques. Encore un effort, et le Siège d’Hennebont allait mettre le sceau à la gloire de Jeanne la Flamme, et du même coup à celle du poète. Mais à quoi bon cet effort et pourquoi Péhant l’aurait-il fait ?


Durant ces deux ans, écrivait-il à l’auteur de Pernette le 4 septembre 1874, j’ai travaillé comme un forçat, sans aucune distraction d’esprit, sans aucune consolation de cœur. Et je travaillais ainsi par devoir et par dévouement à ma bibliothèque, au milieu de tracasseries et de déboires qui ont été jusqu’ici mon unique récompense. Qu’importe, après tout, ces semblans d’injustice ? Je suis satisfait, sinon de mon œuvre, du moins du zèle et du soin que j’y ai apportés. Je me trouve assez payé de mes peines. Je touche d’ailleurs à ma libération. J’ai classé dans leur nouveau local mes diverses collections (non sans fatigue, car au dernier jour j’ai subi une légère attaque de paralysie à présent dissipée), el j’ai terminé l’impression du cinquième et du dernier volume démon catalogue. Il ne me reste plus à publier que les tables et une Notice descriptive de nos manuscrits et de nos livres rares ou précieux à divers titres. Cette dernière besogne bibliographique ne me demandera qu’une année ou dix-huit mois d’application, et je pourrai enfin me permettre un peu de repos. Peut-être même trouverai-je dans cette occupation moins absorbante quelques intervalles de liberté. Cette perspective de loisir devrait