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C’est sur ce terrain tout nouveau en effet que la question a été posée par M. Bryan et le bimétallisme est passé à l’arrière-plan. La politique de conquête inaugurée par le parti au pouvoir contrairement aux traditions émancipatrices des Etats-Unis a été dénoncée à Kansas-City, aux applaudissemens des démocrates, comme devant dans l’avenir conduire au despotisme et comme aggravant, dans le présent, les charges du pays dans des proportions telles que 65 000 hommes sont devenus nécessaires pour garder les Philippines, alors que 25 000 soldats suffisaient avant 1898 à la sécurité de l’Union.

La thèse opposée, appuyée sur la nécessité de défendre l’honneur du drapeau et sur l’impossibilité d’appeler à l’indépendance des peuplades divisées entre elles et qui n’ont pu faire encore l’apprentissage de la liberté, n’a pas trouvé d’ailleurs moins de faveur dans la Convention républicaine de Philadelphie.

Quoique le programme voté dans ces Assemblées, dont l’opinion est faite d’avance, soit le plus souvent adopté sans contestation sérieuse, l’adhésion cependant n’est pas toujours unanime et il peut arriver qu’une fraction de la minorité, mécontente des résolutions prises par la majorité, se sépare d’elle avec éclat et passe à l’ennemi. Le signal d’une sécession de ce genre a été donné à Saint-Louis en 1896 par le sénateur Teller, qui après avoir vainement essayé de faire accepter par les républicains le principe de la frappe libre de l’argent est sorti de la salle des séances, entraînant après lui une vingtaine de délégués, qui sont allés grossir les rangs des Démocrates.

Au vote de la plate-forme succède la présentation des candidats qui est faite par les « leaders » du parti et qui est l’occasion des plus assourdissantes manifestations, l’intensité du tapage pouvant en pareil cas devenir la pierre de touche de la popularité. Ces candidatures sont du reste souvent d’importance très inégale. Chaque région électorale a son fils favori (favorite son) sur le nom duquel se groupe d’abord, par courtoisie, un nombre plus ou moins respectable de suffrages, sans autre objet que d’accorder à un enfant du pays un témoignage de flatteuse déférence. La majorité des deux tiers des votans étant nécessaire pour assurer la validité d’une nomination (cette règle a toutefois varié et les partis sont toujours libres de la modifier), ces manifestations de sympathie individuelle ont toute chance de rester platoniques.