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bles au Nord de la Chine pour troubler notre jugement, et peut-être n’avons-nous pas grand mérite à en conserver la parfaite impartialité. Au risque de lui donner un caractère un peu paradoxal, nous dirons qu’en ce qui concerne les pourparlers de demain, il est à peu près indifférent que les troupes alliées restent à Pékin ou qu’elles en sortent. Peut-être s’exagère-t-on, aussi bien d’un côté que de l’autre, l’importance de ce fait. La Russie croit que, si nous évacuons Pékin, le gouvernement cMnois y rentrera aussitôt : ce n’est pas bien sûr. Elle estime que le gouvernement chinois n’acceptera de négocier que lorsque l’évacuation aura eu lieu, ce qui ne l’est pas davantage, puisque nous voyons ce gouvernement nommer ses plénipotentiaires sans attendre que Pékin lui soit rendu. D’autre part, nous avons expliqué pourquoi le maintien de l’occupation n’était pas indispensable à l’autorité des puissances. Dès lors, que faut-il voir dans le maintien de l’occupation ou dans l’évacuation de Pékin, sinon l’indication de deux politiques différentes, dont la première, sans le vouloir peut-être d’une manière consciente et sans se rendre compte des entraînemens qu’elle s’expose à subir, donne à l’action des puissances en Chine une extension sans limite certaine, tandis que l’autre se propose très résolument, après avoir fait l’indispensable, de rendre la Chine à elle-même et à son gouvernement ? Entre ces deux politiques, — quand bien même nous ne mettrions pas au premier plan, comme on l’a dit autrefois, la considération de notre alliance, — il n’y a pas à hésiter. Nous sommes pour la seconde. Nous n’avons pas cessé, ici même, de mettre l’opinion en garde contre les inconvéniens d’une marche sur Pékin. Une obligation impérieuse s’est imposée à nous, comme à toutes les puissances ; il n’y avait donc plus à tergiverser, il ne restait qu’à applaudir au courage de nos soldats et à l’habile direction qui leur a été imprimée. Mais le péril d’une politique trop exclusivement militaire en Chine ne cessait pas de nous préoccuper, et les démonstrations de l’Allemagne ne nous ont pas rassuré à cet égard. Ces préoccupations ont été partagées par d’autres, qui voulaient voir, comme nous, dans la prise de Pékin, la fin plutôt que le commencement de notre intervention en Extrême-Orient. C’est alors que la Russie a découvert sa politique et convié les puissances à s’y associer. Nous devions le faire, et il est probable que, parmi les adhésions qui sont venues à Saint-Pétersbourg, la nôtre est arrivée la première ; à moins que, — et cela est plus probable encore, — toute cette politique n’ait été concertée d’avance entre les deux gouvernemens.