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même aucune illusion sur sa dépendance : et comment pourrait-il s’y tromper ? La rapidité et la facilité finales avec lesquelles quelques milliers de soldats européens, américains et japonais sont arrivés et entrés à Pékin sont faites pour l’en convaincre : la démonstration de la supériorité occidentale a été encore plus probante que si nous avions dû attendre l’arrivée de tous les renforts actuellement en route pour Tientsin. Un déploiement de forces aussi considérable na pas été nécessaire ; il a suffi en somme d’une poignée d’hommes déterminés pour disperser réguliers et irréguliers chinois et forcer les portes de la capitale. Le gouvernement chinois, pris de peur, s’est dérobé. Où a-t-il été ? Peu importe : il a disparu à la hâte, laissant derrière lui le palais impérial à la discrétion de l’armée internationale. On sait que celle-ci, représentée par des détachemens des diverses nationalités, a défilé dans le palais désert. De tels souvenirs ne s’effaceront pas de sitôt de l’esprit de l’Impératrice, de l’Empereur, des membres du Tsong-li-Yamen. Le gouvernement chinois sait aujourd’hui, à ne pas pouvoir s’y méprendre, qu’il est sous la main des puissances alliées, et qu’il ne retrouverait plus, à une seconde épreuve, l’indulgence relative qu’on lui témoigne en ce moment. En effet, si les suggestions modérées de la Russie finissent par prévaloir cette fois, il il’est pas douteux que ce sont les suggestions les plus radicales, les plus rigoureuses, les plus implacables même qui prévaudraient, et sans contestation possible, dans le cas où le gouvernement impérial, par complicité ou seulement par faiblesse, laisserait de nouveaux troubles éclater à Pékin ou dans les provinces. L’expérience qu’il vient de faire ne saurait être perdue. Mais, dira-t-on peut-être, il ne s’agit pas de l’avenir, il s’agit du présent, c’est-à-dire des négociations de demain : les puissances y exerceront-elles la même influence si leurs troupes ont quitté Pékin ? Les dirigeront-elles avec la même autorité ? Les feront-elles aboutir avec la même sûreté ? Pourquoi non ? L’évacuation de Pékin, quand bien même elle serait complète, n’en resterait pas moins presque fictive. Pas un soldat étranger ne quittera la Chine : tout au contraire, les renforts attendus arriveront à Takou et à Tientsin dans quelques jours, et alors Pékin, évacué ou non, se trouvera sous le coup d’une menace infiniment plus sérieuse que toutes celles dont il a pu être l’objet, même lorsque les troupes internationales campaient entre ses murailles. Ce qui a retardé d’abord la marche des alliés, c’est que le chemin de fer avait été détruit dans une grande partie de son parcours ; mais on travaille à le rétablir et c’est un travail qui sera bientôt terminé. Le chemin de fer, une fois reconstitué,