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deux archers avec du foin sur son chapeau, dans ses manches, entre le justaucorps et la chemise. Or quelques semaines auparavant, un homme d’affaires que l’exempt cherchait avait été trouvé caché dans des bottes de foin. Piron sème à profusion ces traits de satire contemporaine. Non seulement il en égaie son dialogue, mais parfois il les réunit dans une longue tirade, sorte d’intermède qui interrompt la pièce, à la manière de la parabole antique. Ainsi dans l’Endriague Scaramouche s’avance sur le devant de la scène et s’adressant au public, qu’il prend à témoin, il lui conte ce qu’il vient de surprendre dans une grande ville fort peuplée dont les habitans se sont tout à coup pétrifiés. « J’ai pris sur le fait des cabaretiers achevant d’empoisonner en catimini de mauvais vin qui n’était déjà que trop malfaisant ; des pâtissiers empestant leur pâte ; des boulangers sophistiquant la leur ; des bouchers qui masculinisaient les vaches et les brebis ; des rôtisseurs qui donnaient le fumet de garenne à de vieux clapiers, et cent autres friponneries d’arrière-boutique. » Il est allé à l’Académie française, au Palais, au tripot : « Ah ! les bonnes figures à peindre ! Que les gagnans et les perdans étaient aisés à distinguer ! » Dans les Enfans de la Joie, la déesse Até nous fait part de quelques-uns de ses étonnemens. Elle a vu un financier s’enrichir par la banqueroute, une fille qui mériterait la Salpêtrière rouler carrosse, un mari au courant des fredaines de sa femme qui en prend son parti et passe encore pour un honnête homme. C’est la veine des Caractères, du Diable boiteux et des Lettres persanes. Et c’est par ces traits de satire que la comédie foraine a quelque valeur littéraire et fait parfois songer à la bonne comédie.

Il faut à toute revue son acte des théâtres. « Et des spectacles, n’en dites-vous rien ? » demande Arlequin à Mercure, qui s’occupe beaucoup des potins de Paris depuis qu’il est devenu le Mercure galant. « Si fait, j’en parle, répond Mercure. Je ne me suis donné, ce voyage ici, que le temps d’arracher en volant quelques affiches. » Il en donne lecture. Voici le spectacle des Marionnettes qui fait courir tout Paris ; c’est Pierrot Romulus, où Romulus figure en Pierrot, le grand pontife de Rome en Polichinelle et Tatius en bonhomme Jambroche. « Arlequin. Quel maudit genre de farces est-ce là ? Comment l’appelle-t-on ? Mercure. Parodies, laboratoire ouvert aux petits esprits matins qui n’ont d’autre talent que celui de savoir gâter et défigurer les belles choses. Marinette. Je goûte fort ces parodies, et le secret de changer les larmes en éclats de rire. » Et continuant de lire, en les commentant, les affiches de théâtre. Mercure y trouve la parodie d’Œdipe, un Thimon