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Abd-el-Kader contre les Français, tous les demi-civilisés contre les civilisés.

L’état politique et social de la Bulgarie, qui ne lui permettait pas d’avoir une véritable dynastie et une capitale permanente, ne lui permit pas la constance dans les traditions, la suite dans les desseins, la longue préparation qu’exige la formation d’une vraie armée et de vrais chefs. Siméon, Samuel, géniaux à leur manière, n’eurent pas de successeurs capables de les égaler. L’empire byzantin était un vieil Etat, avec une capitale fixe, une politique traditionnelle et une armée permanente. En dépit de ses vices d’organisation, il put produire en une seule génération trois empereurs qui nous apparaissent, Basile II surtout, comme les plus grands hommes de guerre qu’ait connus le moyen âge européen. La différence entre la Bulgarie et la Grèce du Xe siècle ne tient donc pas à une infériorité native chez la race lapins jeune ; seulement celle-ci était toujours contrainte à improviser et, du premier coup, se dépensait tout entière ; au contraire la vraie force de l’hellénisme consistait en un patrimoine séculaire de traditions et de ressources. Les Bulgares furent vaincus moins par les Grecs du Xe siècle que par la vieille Rome, dont Constantinople était l’élève et l’héritière. Le coup qui les abattit était monté depuis mille ou douze cents ans. Ils furent en réalité vaincus par Marins, Jules César et Trajan. Leur amour-propre national peut s’incliner devant de tels vainqueurs.


ALFRED RAMBAUD.