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de Constantinople et un roi piémontais de Macédoine, redevenue pour quelque temps la première puissance de la péninsule pour retomber ensuite dans l’anarchie qui devait la livrer presque sans défense à la conquête ottomane.

Nous laisserons de côté cette troisième période, où pourtant notre propre histoire est intéressée par de tragiques épisodes. Nous nous en tiendrons aux deux périodes précédentes, que les belles publications de M. Gustave Schlumberger, — doublement précieuses par le texte et par la richesse des illustrations, — nous convient à étudier. Aussi bien ce sont celles où non seulement la question de l’empire, mais la question de vie ou de mort se débattit le plus âprement entre deux les races.

Le second fils de Boris, premier roi chrétien des Bulgares, Siméon, régna de 893 à 927. La puissance de cette nation atteignit alors à son apogée. La fusion entre le premier ban de colons slaves et la horde d’envahisseurs qui donna son nom à la contrée s’était accomplie. La Bulgarie n’avait plus qu’une seule langue : le slave ; une seule foi : l’orthodoxie. Cependant, au point de vue topographique, la Bulgarie était triple : il y avait la Bulgarie danubienne qui, au sud des Balkans, débordait sur la Thrace jusqu’à la Maritsa et jusqu’à Salonique ; il y avait une Bulgarie trans-danubienne s’étendant jusqu’à la Moravie et à la Pologne ; il y avait une troisième Bulgarie s’étendant sur la Macédoine et l’Albanie, sur les deux versans du Pinde, autour des lacs de Prespa et d’Ochrida, où la race conquérante se superposait ou se mélangeait à d’autres races, mais où la réalité d’une forte colonisation bulgare est attestée aujourd’hui par la présence de myriades d’habitans parlant encore l’idiome national.

En outre, depuis le VIIe siècle, la race slave, plus spécialement la bulgare, avait projeté dans toute la péninsule, jusqu’à la triple pointe du Péloponnèse, des essaims de colons assez nombreux pour qu’à un certain moment la race hellénique parût presque entièrement dépossédée de son sol natal. Ces essaims ont modifié dans des proportions considérables, mais parfois difficiles à préciser, le vocabulaire géographique de régions où les Thessaliens, Béotiens, Athéniens, Achéens, Spartiates, Messéniens, pouvaient se croire intangibles. En Thessalie s’étaient cantonnés les Véligostes, les Berzites, les Ezérites, dont les noms ne peuvent s’expliquer que par l’étymologie slave. L’ancienne Magnésie s’appelle Zagorie (derrière la montagne). En Albanie, il