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Cette double entreprise sembla d’abord se poursuivre avec un plein succès. On s’attendait à ce que M. Bonhoure atteignît à la fin de juillet la résidence actuelle de l’almamy : Dabakala. D’autre part, le commandant Caudrelier, chargé de l’exécution des mouvemens stratégiques prescrits au Soudan, recevait une lettre dans laquelle Samory se déclarait prêt à traiter, à la condition d’être autorisé à rentrer dans son pays d’origine, Sambatiguila ; enfin, comme gage de bon vouloir, les sofas évacuèrent Lokhoso, que les Français se hâtèrent d’occuper. Mais soudain, un détachement placé sous les ordres du capitaine Braulot et qui devait marcher de Lokhoso sur Bouna, fut attiré dans un guet-apens et massacré par le propre fils de Samory, Sarankémory, (20 août 1897), et l’on apprit que M. Bonhoure, renonçant à poursuivre sa route, revenait à la côte.

Il semblait bien cette fois que la preuve de la fourberie de Samory était faite et que tout espoir de jamais vivre en paix avec lui était définitivement perdu. Pis (encore : la répercussion que le déplorable meurtre du capitaine Braulot pouvait avoir sur la fidélité de certaines tribus indigènes, s’il demeurait impuni, obligeait à réclamer une réparation, au besoin même à préparer une répression. Par ailleurs, la volonté qu’avaient les Anglais d’occuper Bouna pour leur compte en vue des négociations de Paris forçait à ne point renoncer au plan dont la réalisation avait été si fâcheusement interrompue par l’accident du 20 août, dût-on même se heurter de nouveau aux sofas. Bref, le conflit qu’on avait tout fait pour éviter jusque-là apparaissait désormais comme imminent et inéluctable : si désireux fût-on de gagner du temps, on n’était nullement certain d’y réussir, d’autant que, d’après divers renseignemens, Samory se préparait à attaquer O’D’jenné ou Sikasso, peut-être même ces deux localités à la fois.

Le ministre manda aussitôt au Soudan (20 septembre 1897) d’avancer ses troupes vers le Sud et d’occuper la ligne de la Volta, de manière à constituer un front de bandière contre toute tentative d’incursion. On eut ainsi 1 800 tirailleurs répartis dans quatre centres principaux de résistance. Derrière eux, des réserves avaient été levées, tant pour leur prêter assistance éventuelle que pour tenir les voies de communication. Mais en même temps qu’on adoptait ces mesures de défense, et qu’en augmentant les relèves normales de l’automne on se préparait à mener, le cas échéant, une campagne décisive contre Samory, on évitait avec