Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 161.djvu/373

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

notre part une douce ténacité, quelques ordres donnés à propos par le pouvoir central, la rigoureuse discipline et le bel entrain de nos chefs de mission. « Pinces ! » s’écria la Pall Mall Gazette en annonçant et commentant le traité. Toujours plus grave, mais aussi plus douloureusement amer, le Times, qui déplorait surtout la cession du Mossi, exhala ses regrets en ces termes : « Nous, dont l’empire a été en grande partie fondé par une prompte action aux momens décisifs, nous avons laissé l’action aux autres jusqu’à ce que le moment décisif fût presque passé. A la fin, nous nous éveillâmes au danger. Mais notre tardive affirmation de nous-mêmes ne pouvait nous sauver de la peine due pour notre négligence antérieure. Nous devons payer pour notre indolence, tandis que nos rivaux recueillent le fruit de leur esprit d’entreprise, bien que, — et ici le Times était sur les principes en contradiction formelle avec le Daily Chronicle, — bien qu’une bonne part de cette initiative ne fût pas légitimée par les lois du droit inter- national. » Aveu significatif, qui mérite de fixer en tout temps l’attention de ceux qui ont affaire avec la Grande-Bretagne.


IV

Les ambitions anglaises et allemandes n’étaient malheureusement pas les seuls obstacles contre lesquels la France eût à lutter pour asseoir sa domination dans la boucle du Niger. De tous les souverains indigènes qui s’étaient opposés à ses progrès et dont elle avait dû détruire successivement la puissance dans les dernières années, pour assurer et sa propre tranquillité et la sécurité des tribus soumises, un seul subsistait encore, et non le moindre : l’almamy Samory, que ni la négociation ni l’hostilité déclarée n’étaient encore parvenues à réduire. Promenant ses bandes dévastatrices depuis l’arrière-pays de la Côte d’Ivoire jusqu’aux confins de la Guinée, Samory était une cause permanente d’inquiétude et de trouble, sans parler de l’appui que trouvaient ou pouvaient chercher auprès de lui certains de nos rivaux européens.

Il était très malaisé de savoir avec quelque précision quelles étaient les visées réelles de Samory depuis la brusque interruption des opérations que le colonel Monteil avait dirigées sur Kong (avril 1893). Bien qu’il n’eût pas subi alors de défaite réelle, l’almamy restait incontestablement affaibli : il avait éprouvé des