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telles que force lui fut de s’aviser qu’on ne désirait point une entente acceptable, et qu’on cherchait seulement à gagner du temps pour étayer ces prétentions de quelques argumens de fait irrésistibles. L’Angleterre réclamait en effet le Gourounsi, le Mossi, le Borgou ; l’Allemagne revendiquait le Gourma. Si la France eût accepté ces bases de négociation, elle eût obtenu ce double et désolant résultat de voir ses colonies côtières coupées de tout accès par le Nord-Est au Niger, coupées aussi de toute communication directe avec le Soudan autrement que dans la région occidentale, alors infestée par les déprédations de Samory. D’autre part, comme les publicistes les plus autorisés du monde colonial anglais ne cachaient point leur désir de s’entendre avec l’almamy ; comme l’Angleterre envoyait des troupes à la Côte d’Or et au Lagos ; comme l’Allemagne elle-même faisait succéder à son explorateur, le docteur Grüner, une mission militaire dans la direction de Sansanné-Mango, il était évident qu’on voulait appuyer les revendications théoriques par des mesures pratiques, et se préparer à pouvoir invoquer utilement, à bref délai, les stipulations de l’acte général de Berlin de 1885.

Les articles 34 et 35 de cet acte s’expriment ainsi :

« La puissance qui, dorénavant, prendra possession d’un territoire sur les côtes du continent africain situé en dehors de ses possessions actuelles ou qui, n’en ayant pas eu jusque là, viendrait à en acquérir, et de même la puissance qui y assumera un protectorat, accompagnera l’acte respectif d’une notification adressée aux autres puissances signataires du présent acte, afin de les mettre à même de faire valoir, s’il y a lieu, leurs réclamations. Les puissances signataires du présent acte reconnaissent l’obligation d’assurer, dans les territoires occupés par elles sur les côtes du continent africain, l’existence d’une autorité suffisante pour faire respecter les droits acquis, et, le cas échéant, la liberté du commerce et du travail dans les conditions où elle serait stipulée. »

Bien que ce texte ne vise expressément que les possessions côtières, on pouvait par analogie en réclamer l’application au différend actuel. A supposer même qu’on ne portât pas le débat sur ce terrain, le fait accompli n’est-il pas, de l’aveu des Anglais eux-mêmes, « le seul argument possédant une réelle valeur en Afrique[1] ? »

  1. Voir l’article précédemment cité de la Daily Chronicle.