Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 161.djvu/343

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne se sont point développées simultanément, mais successivement ; et on peut dire en toute exactitude que, depuis trois ou quatre cents ans, chacune d’elles a manifesté, comme à son tour, ce qu’elle avait de plus national et de plus particulier. Pour retracer à grands traits l’histoire de la « littérature européenne, » et ainsi dessiner le cadre où chacune des recherches auxquelles elle pourrait donner lieu trouvera naturellement sa place, nous n’avons donc pas besoin de nous composer laborieusement un plan : il nous est donné par l’histoire. Ici encore, comme en tant d’autres occasions, nous n’avons qu’à nous laisser faire, et, dans quelque embarras que nous puissions craindre de nous jeter, l’histoire, ou plutôt la seule chronologie nous en tire. C’est ce qu’il sera sans doute intéressant et utile de montrer très brièvement.

Il ne faut admettre pour cela qu’un principe, dont j’espère que l’on ne me disputera pas l’évidence, et ce principe est que la littérature comparée ne s’attachera dans ses recherches qu’à ce qui est comparable. S’il arrivait en effet qu’une littérature quelconque se fût contenue, pour ainsi dire, dans ses propres frontières, et ne les ayant jamais débordées, n’eût donc ainsi jamais participé à ce courant d’échanges qui est la première condition d’une littérature internationale, il est évident que les productions en pourraient bien avoir leur très grand intérêt en soi, mais une telle littérature n’appartiendrait pas à l’histoire de la littérature européenne. Tel est le cas de la littérature basque, — si du moins il en existe une qui soit digne de ce nom, — et, que les bardes me le pardonnent ! tel est le cas de la littérature bretonne, moderne ou contemporaine. Par une extension qui n’a rien d’abusif, il suit de là que les productions d’une grande littérature ne nous appartiennent qu’autant qu’elles sont entrées en contact avec d’autres littératures, et que de ce contact ou de cette rencontre on a vu résulter des conséquences. Et sans doute cela ne veut pas dire qu’on négligera ces productions ! Si l’on négligeait les autos sacramentales de Calderon et de Lope de Vega, on se priverait d’un grand plaisir ; et on serait plus qu’injuste pour l’une des formes les plus originales que l’art dramatique ait jamais revêtues. Mais cela veut dire qu’ils n’ont dans l’histoire de la littérature européenne qu’une importance relative, et que la littérature espagnole ne s’étant point mêlée par eux au mouvement de la pensée européenne, ce n’est donc point d’eux qu’il