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Ramayana, ou une théorie du lyrisme qui laisserait en dehors d’elle les Psaumes et le Cantique des Cantiques ? La réponse n’est pas douteuse, et je n’ai pas besoin de la formuler.

Une question plus délicate est de savoir si la définition de la littérature comparée doit envelopper, au même titre que celles de Pindare et de Sapho, les poésies de Thou-Fou et de Li-Taï-pé. La difficulté est la même que celle où se sont heurtés les auteurs de toutes les histoires universelles : j’entends ici les histoires qui sont véritablement des « histoires, » et non pas seulement des chroniques ou des annales. Les uns, comme Bossuet, ont pris le parti, pour des raisons qu’ils ont naïvement données, de négliger les peuples de l’extrême Orient, et les autres, comme Voltaire, dans son Essai sur les Mœurs, n’ont pas voulu les négliger, afin de faire autrement que Bossuet. Mais ce qui n’a pas dépendu d’eux, c’est que ces civilisations lointaines et mystérieuses ne se fussent développées excentriquement aux nôtres, et, n’ayant ainsi que peu de points de contact avec elles, n’offrissent conséquemment avec elles que peu de points de comparaison. Elles en offrent de rencontre ou de coïncidence ; elles en offrent peu de comparaison. Pareillement les littératures. En un certain sens les poésies de Thou-Fou et de Li-Taï-pé, — et on en a fait plusieurs fois la remarque, — sont tout à fait dans le goût d’Anacréon et d’Horace, de Parny, de Béranger, plus voisines des nôtres, et de nos habitudes occidentales d’esprit, que ces poèmes gigantesques et démesurés, étranges et presque tous pour nous, qui sont les Pouranas indous. Mais, en revanche, et, pour qu’il y ait prétexte ou matière à comparaison vraiment féconde, s’il faut une certaine continuité de communications ou d’échanges, et d’action réciproque, de parentage ou de cousinage, entre les objets que l’on compare, on voit bien la nature de la difficulté. Nous ne prétendons pas la résoudre aujourd’hui.

Elle est différente, mais non pas moindre, ni moins subtile, quand on vient à se demander si les Chants et les Contes populaires, contes moraux, contes de fées, contes de nourrices, relèvent ou non de la littérature comparée. Quelque hypothèse que l’on adopte sur l’origine et la transmission du conte ou de la chanson populaire, il y a certainement ici matière à comparaison dans le sens philosophique du mot. Si le Petit Poucet, par exemple, nous est venu de l’Inde, comme les uns le veulent, il y a lieu de rechercher comment, par quelles voies, il est arrivé jusqu’à