Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 161.djvu/314

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Rome, aucune voix catholique n’élevait de réserves au sujet de ce baptême : c’était l’indice, apparemment, que dans la conscience des catholiques laïques la question romaine s’effaçait.

Ainsi rêvaient les publicistes dynastiques, s’exaltant d’espoir en espoir, et fort insoucians, au surplus, de ce que pensaient les catholiques du reste du monde.


Une question se posa : celle de l’inhumation d’Humbert Ier. Victor-Emmanuel, le Grand Roi, avait deux fois conquis Rome : la première fois par ses soldats, la seconde fois par ses cendres ; son enterrement au Panthéon avait été interprété comme le symbole de l’intangibilité de la capitale, comme un sceau définitif mis sur l’occupation. Était-il nécessaire, à la mort d’Humbert Ier, de réitérer le symbole et d’apposer un sceau nouveau ? Les conseillers de la couronne ont ainsi pensé : Humbert Ier, même mort, n’aura pas eu la douce liberté d’être laissé tranquille a casa. La casa, pour ses restes vénérés, eût été la Superga, qui domine la capitale de ses ancêtres et recouvre leurs tombes. On y montre au visiteur le mausolée provisoire, — provisoire depuis un demi-siècle, — où Charles-Albert repose, car à la Superga, les rois de Piémont s’y devaient prendre à deux fois pour dormir leur dernier sommeil ; ils n’occupaient le monument personnel qui leur était destiné qu’après avoir, durant le règne de leur successeur, fait une sorte de stage dans le mausolée. Voilà cinquante ans que Charles-Albert dort d’un demi-sommeil, cinquante ans qu’il attend que le cortège funèbre de son successeur le vienne bientôt réveiller. L’infortuné vaincu de Novare attendra longtemps encore... Humbert Ier, paraît-il, aurait volontiers réveillé son grand-père. Déraciné de sa patrie indigène par les besoins de la politique, il eût rêvé de reprendre racine dans son Piémont bien-aimé en y laissant tout au moins sa dépouille. Le chapelain de la Superga, qui savait à ce sujet la pensée du feu roi, la fit nettement connaître ; il lui fut répondu qu’en certains cas les goûts personnels devaient céder à la raison d’État. Riposte cruelle, qui fut en tout temps la rançon de la gloire ! Nombreuses sont les princesses qui payèrent l’honneur de leur sang en ne pouvant à leur gré disposer de leur cœur. Humbert, lui, expia le récent honneur fait à sa maison par le « libéralisme » italien, en ne pouvant disposer de ses os. Et l’Italie officielle a poussé devant elle, dans Rome, le cercueil