Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 161.djvu/312

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

savait fort peu royaliste, on hésitait, en sa présence, à vider des coupes aux santés royales. Le vin d’Asti, — Champagne de céans, — réprimait ses impatiens pétillemens. M. Carducci, fort gentiment, rassura les buveurs constitutionnels : « Ce serait un remords pour moi, déclara-t-il, que, par égard aux opinions politiques d’un convive, on attiédit la chaleur des toasts qui doivent être portés à Leurs Majestés. Je bois donc au bonheur d’Humbert de Savoie, qui, par sa courtoisie et son humanité, console le républicain lui-même de l’avoir pour roi. » On ne pouvait être plus galant, et le chantre de Satan finit par se consoler si pleinement qu’il devint royaliste. M. Carducci regrette aujourd’hui son roi ; mais ses anciens coreligionnaires politiques regrettent l’excellent président de république dont ce monarque avait l’étoffe. Heureuse Italie ! Nous n’avons jamais vu, dans notre France, l’Elysée s’emménager pour abriter, sous une raison sociale nouvelle, les mêmes cortèges qui prenaient congé des Tuileries...


Exagérer la portée politique des paroles de deuil que multipliaient les plumes et les lèvres républicaines, et puis, brusquement, en contester la sincérité : telle a été la première erreur de tactique des publicistes monarchistes. C’est l’une des grandeurs de l’homme de n’être d’aucun parti lorsqu’il pleure : pourquoi la presse royaliste, égarée par je ne sais quel intérêt de chapelle, a-t-elle méconnu cette grandeur ? Poursuivant ses imprudences, elle a, de gaieté de cœur, après avoir gravement désobligé les républicains, fait naître des incidens fort pénibles entre la dynastie et le Vatican.

Parmi les puissances étrangères, la Curie, grâce à sa proximité, avait été la première à connaître l’abominable nouvelle ; et c’est dans les organes de la Curie, — il est intéressant de l’observer, — que furent le plus nettement condamnées l’odieuse signification et l’infâme portée de la besogne assumée par Bresci. « Dans la personne du souverain, c’est le principe d’autorité qui est frappé ; » ainsi s’exprimèrent, à la suite du comité provincial que possède dans les Marches l’Œuvre catholique des Congrès, un certain nombre de journaux catholiques. La Civiltà cattolica se voila d’un liséré de deuil, en hommage, évidemment, à ce principe d’autorité si brutalement outragé. M. Santucci, le leader du parti catholique au Conseil municipal de Rome, après avoir critiqué comme « des phrases qui veulent être nobles, mais sont