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greffier de son Parlement, chargé de proclamer le parti vainqueur et de lui remettre le pouvoir. Et déjà, pour une conscience aussi sévère, cette tâche était lourde ; car les votes des assemblées parlementaires, en Italie comme ailleurs et peut-être plus qu’ailleurs, sont en général un tel grimoire qu’il faut beaucoup d’attention pour y lire, infiniment de bonne volonté pour les comprendre, et un certain genre de volonté pour s’arrêter, sans ambages ni tâtonnement, à ce que l’on croit avoir compris. Humbert Ier, durant son règne si brutalement clos, a toujours témoigné cette attention, cette bonne volonté et ce genre de volonté. Lorsque le grimoire était trop illisible, il dissolvait son Parlement, et recommençait l’épreuve avec le suivant.

Sous le gouvernement du second roi d’Italie, l’étoile de Savoie, la mystérieuse et victorieuse étoile, n’a point cessé de resplendir sur l’horizon ; mais ses rayons se jouaient, docilement, à travers le prisme qu’interposaient tour à tour les partis ; le resplendissement n’en avait rien d’insolent : c’était une étoile constitutionnelle. Tout fait croire que Victor-Emmanuel III, non moins loyal mais plus exigeant, voudra concentrer sur sa jeune tête, — altitude surplombant les partis, — la lumière de cette étoile, toujours mystérieuse et toujours victorieuse. Un membre de notre école française de Rome, M. Georges de Manteyer, vient précisément de publier un docte et curieux travail[1], qui prend l’aspect d’un don d’avènement ; il ressort de ce travail que Victor-Emmanuel III, descendant, à la trentième génération, de Garnier, comte de Troyes et vicomte de Sens, serait, à la trente-cinquième, grâce à la mère dudit Garnier, le propre rejeton de l’empereur Charlemagne, et peut-être même, à la quarante-quatrième, l’arrière-petit-neveu de l’empereur Avitus. Voilà une découverte qui ne déplaira point au nouveau souverain : il préférera, sans doute, ne point vérifier le peut-être, aimant mieux s’arrêter à Charlemagne que de remonter à l’éphémère Avitus.


A vrai dire, les progrès des partis antidynastiques constellent de quelques taches d’ombre l’éclat d’un aussi splendide héritage. Le Parlement, tel que l’ont constitué les élections de l’été dernier, laisse entrevoir certaines menaces. Radicaux, républicains et socialistes étaient, tous ensemble, soixante-sept, lorsque M. le

  1. Les Origines de la Maison de Savoie en Bourgogne, par G. de Manteyer. Rome, Cuggiani.