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AUBE DE RÈGNE
LETTRE DE ROME


Rome, 25 août.

Victor-Emmanuel de Savoie, troisième du nom, vient de prendre la route de Naples. L’Italie politique rentre en vacances, ces vacances qu’interrompit, il y a bientôt un mois, le monstrueux attentat de Gaetano Bresci. Le roi et son Parlement se sont entrevus : conformément à tous les rites, qui ne pouvaient, en cette occurrence, avoir un meilleur gardien que l’octogénaire M. Saracco, ils se sont prêté un mutuel serment ; et désormais ils se recueillent, jusqu’au tête-à-tête de l’automne. On dit que le roi, dans son recueillement, prend surtout conseil de lui-même ; le Parlement, peut-être, essaiera de prendre conseil de ce qui existe d’opinion publique en Italie. Les heures où la tribune est muette ne sont pas toujours les moins fécondes pour la destinée des peuples : quelles décisions seront mûries et quelles solutions ébauchées au cours des silencieuses semaines que l’Italie endeuillée va franchir ? C’est ce qu’il serait intéressant de pouvoir soupçonner. Mais c’est faire œuvre plus instructive, parce que plus solide et plus sûre, d’observer les deux interlocuteurs qui tiennent entre leurs mains l’avenir du royaume, et d’épier les problèmes que tranchera cet avenir, à moins qu’il ne les perpétue.


Victor-Emmanuel III a trente-deux ans. On sait peu de chose encore à son sujet. Les savans, depuis quelques années, le réputent bon numismate ; et nulle science assurément n’est plus