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vaillance fit triompher les destinées de leur peuple. L’Ecosse a le génie de l’hommage.

Un autre jour, j’ai visité, dans une rafale de vent et une tourmente de poussière, la petite ville de Haddington, l’Haddington de Knox et de Carlyle. On l’appelle la Lampe des Lothians. Le Réformateur y est né, et j’ai vu la maison qu’habita son ardent apologiste. D’un vieux pont, je regardai la rivière, qu’un charretier passait à gué et je suis monté vers la grande église de pierre rose à demi ruinée. Une partie de la nef est à ciel ouvert ainsi que la tour carrée qui s’élève au centre. L’autre est restaurée pour le culte, temple d’aujourd’hui dans les ruines de l’Eglise abbatiale, touchant symbole bien propre à nous faire entendre que dans les débris de sa grandeur morte ce peuple sage pense trouver le plus noble asile aux besoins du présent.

Vous ne pouvez faire un pas dans cette région du Forth, dans ces comtés de Stirling, Linlithgow, Edimbourg, Haddington et Rosburgh, sans y être enchanté de la magie de l’histoire, belle comme une légende. Voici Melrose, rêve gothique, éternisé dans la grâce hardie de la pierre, ruine adorable qui laisse voir le ciel et n’arrête la liberté du regard qu’au miracle de ses colonnettes, aux découpures de ses dentelles ajourées, aux lignes si sveltes qu’épanouit en broderies l’immense baie ogivale ouverte sur l’orient. Le temps n’a pas détruit tout seul cette beauté qui défiait ses outrages. Bâtie par David Ier, l’abbaye fut bientôt incendiée par les armées anglaises, relevée par Robert Bruce, et brûlée deux fois encore. Ses débris attestent aujourd’hui la lutte séculaire, et leur témoignage égale encore la gloire qu’il rappelle.

Puis, c’est Dryburgh, ruine plus misérable : des pans de muraille couverts de lierre et dans la pointe d’un pignon en triangle une rosace toute simple ; des restes du cloître avec les portes normandes ; enfin, isolée comme une tombe, l’aile mieux conservée, rectangle tout découpé d’ogives et détruit à mi-hauteur, qui abrite les sépultures de sir Walter Scott et de sa femme. Il est bien, là, dans son pays natal, non loin de ces autres ruines, l’abbaye de Jedburgh, l’abbaye de Kelso. Il passa tout près de là ses premières années, chez son grand-père, à Sandy-Knowne, où le soignaient sa grand’mère et sa bonne tante Janet. Puis il vint à Kelso même, et c’est là que, dans un vieux jardin, le maladif enfant de treize ans lut pour la première fois, sous l’ombre d’un platane, le recueil d’anciennes ballades, Percys Reliques, dont