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L’âme nationale demeure ainsi consciente d’elle-même, et se plaît à éclairer ses profondeurs, à discerner ses propres élémens. Flânez aux vitrines des libraires : ce ne sont que vues de l’Ecosse, de ses sites, de ses ruines ; livres sur l’Ecosse, histoires des clans, monographies des lieux célèbres ; ce sont les portraits de ses grands hommes, des personnages illustres, de tous ceux qui ont pris une part à sa destinée, qui ont exprimé ou séduit son âme. Et surtout ce sont les œuvres elles-mêmes. Robert Burns et Walter Scott sont omniprésens en d’innombrables éditions, de luxueuses et de populaires, format de bibliothèque et format de poche, recueils compacts ou séries de légers volumes. Autour d’eux, et comme des rayons de leur gloire et des réfractions de leur génie, les chants des poètes, les évocations des romanciers, les récits des historiens, tout ce monde de vérité et de rêve qui enveloppe une nation comme le ciel enveloppe un paysage.


II

Quand je partis vers les Hautes-Terres, j’avais déjà rayonné aux environs d’Edimbourg, et les évocations de la merveilleuse cité s’y étaient à la fois précisées et approfondies. Ce pays est beau comme le souvenir. Dans le large rectangle par où les Highlands celtiques se rattachent à l’Angleterre, l’Ecosse semble avoir concentré ses forces pour les déployer en un lourd front de bataille en face de l’ennemi. C’est là que se pressent sa gloire et sa prospérité. Elle y épanouit ses richesses et ses résistances. Nous y trouvons aujourd’hui son agriculture la plus prospère, son industrie, et les magnifiques débris de sa grandeur religieuse et militaire, qui idéalisent sa vie présente.

Le climat, moins rude que dans les Highlands, et le sol plus fertile, permettent les cultures. C’est dans des champs comme les nôtres ou parmi de petites villes heureuses que s’épanouit la poésie des ruines. Les abbayes et les palais mêlent le rêve de l’histoire à l’activité des jours paisibles. Voici la ruine délabrée de Craigmillar, près d’un hameau qui porte encore le nom de Petite-France. La reine Marie avait fait du château une de ses résidences favorites, et sa garde française logeait au village. Un peu plus loin, à l’Ouest de la capitale, le palais de Linlithgow dresse sa masse quadrangulaire, percée tout en haut de jours étroits qui lui donneraient un air de prison, n’était je ne sais