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ces trois semaines de manœuvres d’armée ont surtout profité à l’état-major d’armée, je suis assuré que cet état-major ne se considère pas comme suffisamment informé sur tout. Et je n’ajoute pas, c’est assurément inutile, qu’il faut que cet état-major soit permanent. Il y a là un intérêt supérieur.

Mais enfin quelles nouvelles expériences, quelles nouvelles études pratiques sont donc nécessaires ?

Lesquelles ? ... Qu’on me pardonne, à moi, chétif, d’énumérer celles qui me viennent à l’esprit,

L’expérience du mauvais temps, d’abord. Il a fait presque toujours beau, et, certes, nous ne nous en plaignons point. Pourtant tout le monde sait que la marine par beau temps et la marine par mauvais temps, ce n’est point du tout la même chose. (Croyez-vous que le commandant en chef eût pu se servir de ses bâtimens légers aussi souvent, aussi utilement qu’il l’a fait, s’il avait eu à compter avec une grosse mer ? — Non. Mais aurez-vous du mauvais temps, l’an prochain, tout juste à point nommé ? — Je l’ignore, naturellement ; mais il en faut courir la chance.

L’expérience des ravitaillemens en pleine mer, ensuite. Nous ne serons jamais sûrs de ne pas trouver l’ennemi en force devant le port désigné. D’ailleurs, nous aurons souvent intérêt à dérober notre marche en piquant bien au large, et tant que notre flotte comptera des unités trop pauvres en charbon !...

L’expérience de quelques vraies opérations, enfin, — d’opérations stratégiques et tactiques, dans le sens absolument militaire des mots. Il me semble que de L*** a bien un peu raison et que les évolutions ne sont pas tout, ni même presque tout. Maintenant que l’état-major d’armée est édifié sur les formations qui conviennent en divers cas à une grande force navale, maintenant qu’il est assuré de la souplesse étonnante que conserve une armée de quatre escadres aussi bien manœuvrées que l’étaient les nôtres, le 2, le 3, le 4 juillet, eh bien ! il pourra donner libre carrière à ses conceptions et développer logiquement les thèmes si intéressans qu’ébauchèrent les opérations de la fin de juin, au sortir de Toulon et de Brest.

Après tout, l’idée fondamentale de nos manœuvres n’était-elle pas celle que le Directoire et Napoléon avaient essayé de réaliser en 1797-1798, 1804-1805 ? — Oui, mais il faudrait figurer l’adversaire ; le placer comme nous savons qu’il le serait aujourd’hui ;