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la fête vénitienne ? Ça ne va pas se faire tout seul, ces histoires-là…

— Oui, oui, c’est entendu, les canots, les illuminations… Et à propos, les sacs de vos hommes sont-ils bien complets ? Toutes les les balles tirées sont-elles portées sur le livret ? Et le registre de l’École, et le rapport sur les progrès des brevetés et l’état des réclamations ?… »

Allons, il faut s’y résigner… C’est une obsession.


17 juillet.

C’est fini. C’est à n’y pas croire, mais c’est fini. J’entends l’inspection générale, la terrible inspection générale. Tout s’est bien passé. Nous avons été couverts de fleurs, ce qui prouve que nos chefs, gens avisés, savent faire la différence du possible et de l’impossible. Nos registres, — mon Dieu ! que de registres !… Le salon du commandant en était tout plein. O Marine ! ô paperasses ! — nos registres, donc, étaient en règle… Hum !

Ah ! par exemple, nos journaux de bord particuliers brillaient par leur absence :

« J***, notez ça, » dit l’Amiral à son aide de camp.

Les sacs étaient complets, propres même, sauf ceux de deux ou trois apprentis marins que nous n’avons pas encore pu déshabituer de la malpropreté native.

Les exercices… Eh ! après tout, ces exercices n’ont pas été mal non plus. Il y a eu du tirage dans une tourelle. On a expliqué à l’amiral que c’était à cause de ceci et à cause de cela. J’*** a noté encore. L’entretien du bateau, la propreté, la célèbre propreté… Heu ! Heu ! Enfin, très bien tout de même, positivement bien. Il y a même des détails qui prouvent que, etc., etc.. Là-dessus le commandant et le second se sont regardés. Coup d’œil éloquent !

Que voulez-vous ! Si c’avait été à Toulon, au mois de septembre, après une quinzaine de jours de tranquillité !… Bast ! Justement, c’est ce que nos amiraux savent bien, et ils nous ont loué de ce que nous aurions sûrement fait, si nous avions pu le faire. Et d’ailleurs les épreuves subies ne parlaient-elles pas en notre faveur ? N’était-ce pas méritoire de réussir, avec ces bateaux à peine armés d’équipages de rencontre, d’apprentis sans expérience, de chauffeurs improvisés, une sorte de campagne de guerre de trois semaines et une traversée de 1900 milles ?