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en colonnes par division ou en ligne de file derrière le centre des deux premières, prête à tomber par un mouvement simultané de 90° sur l’adversaire qui voudrait accabler les unités d’aile.

Telles, à Wagram, les armées d’Italie et de Dalmatie arc-boutaient, en colonnes profondes, notre centre et notre gauche fléchissans.

Voilà ce que j’ai cru comprendre, en gros. Si je me trompe, que saint Echiquier, patron des évolutions, me pardonne !


A 2 heures et demie, mouillage dans la baie de Morgat, célèbre par ses rochers et ses grottes. Lorsque j’étais au Borda, il y a quinze ou seize ans, nous y venions quelquefois en « liberté de manœuvre. » À cette époque, le touriste n’y sévissait pas encore, et c’était paisiblement beau. Sont-ils arrivés déjà, les Parisiens, comme les appellent les bonnes gens ? Voilà des chalets ouverts, des cabines sur les plages, mais on ne découvre ni chapeaux canotiers, ni casquettes blanches, ni ombrelles rouges.

Aussitôt l’ancre tombée, signal d’exécuter le plan n°... Les navires légers désignés vont mouiller un peu au large. Ils sont chargés de notre sécurité cette nuit, ce qui, d’ailleurs, ne nous empêchera pas de veiller, chacun pour son propre compte.

Que feront ces bâtimens légers ? — Confidentiel, confidentiel ! Ce que je puis dire, car c’est assez visible, c’est que leurs projecteurs restent braqués toute la nuit dans des directions invariables. Au loin, dans la cendrée lumineuse des nappes électriques, on voit circuler les ombres grises des torpilleurs de grand’garde.

L’attaque commence à 11 h. 50. Nous ne voyons rien. Beaucoup de pétarades sur notre front. A 12 h. 20, nous croyons voir quelque chose. Nous tirons. C’est tout. Ce doit être comme ça dans beaucoup de batailles.

A 1 heure, nous allons nous coucher. Pas pour longtemps, par exemple ! ...


9 juillet. — Brest.

Calme plat. Vers 6 heures et demie du matin, un banc de brume épaisse, qui heureusement se dissipe à 7 heures et demie, tout juste pour l’appareillage. Joli défilé de l’escadre du commandant en chef autour de la première escadre qui commence son mouvement. Saints, tambours, clairons, musiques : cacophonie militaire à laquelle il faut que l’oreille s’habitue et qui, quelquefois, impressionne.