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C’était pour la plupart de nos hommes la première veille de nuit contre les torpilleurs ; ils avaient, certes, bonne volonté, grand désir de bien faire, sans compter la curiosité ; mais aussi beaucoup d’inexpérience, l’émotion de l’inconnu, l’alourdissement inquiet d’une nuit de peu de sommeil.

On l’a bien vu lorsque, à l’aube à peine blanchissante, les torpilleurs se sont jetés sur nous, sortant brusquement de l’abri de la pointe Canastel, Ils étaient attendus, trop attendus même, toutes les recommandations avaient été faites, bien faites, épuisées ;... et cependant il y a eu des surprises, des projecteurs qui ne s’allumaient pas assez tôt, des faisceaux lumineux qui s’agitaient, éperdus, des coups de 37, de 47, qui partaient au hasard, tout seuls, comme ces fusils célèbres...

Au fond, l’attaque n’a point été si réussie que l’ont cru quelques-uns de nos assaillans. Tel torpilleur qui criait victoire en passant le long du cuirassé qu’il venait, pensait-il, de torpiller, ne s’était pas aperçu, — et pour cause, — qu’il était en prise, depuis un moment, au feu du cuirassé qui précédait sa prétendue victime. « Tant qu’on ne mettra pas des balles dans les fusils ! ... » disait un jour un de nos généraux à propos de l’assaut final aux grandes manœuvres...

D’ailleurs, un incident imprévu avait singulièrement favorisé les torpilleurs. Un paquebot sortant du port d’Oran nous avait obligés à rallumer nos feux de route pour éviter une collision. En temps de guerre, on ne s’en fût pas préoccupé, et l’approche des cuirassés n’eût pas été dénoncée au dernier moment à leurs adversaires.

Et puis, n’allez pas croire que tout torpilleur arrivé en bonne position de lancement pourra lancer effectivement sa torpille, et surtout que cette torpille ira au but.

Laissons donc de côté les controverses sur l’attaque de cette nuit et ne retenons que cet enseignement d’une portée générale : les équipages des torpilleurs se fatiguent beaucoup, mais ils fatiguent encore davantage ceux des grands bâtimens qui s’exposent à leurs coups. Conclusion : le torpilleur est un excellent moyen d’user le bloqueur.

Et, pour n’être point nouveau, ceci vaut toujours la peine d’être constaté.


Quant au bombardement d’Oran, au petit jour, oh ! mon Dieu,