Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 161.djvu/160

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.



LA MARE


Autour de cette mare où l’eau calme frissonne,
Il subsiste toujours, ma chère, un peu d’automne,
Et ce coin d’ombre ignore en sa tranquillité
Les bises de l’hiver et les feux de l’été.
Un branchage touffu, qui se resserre à chaque
Nouveau printemps, y garde une fraîcheur opaque,
Et les menthes, les joncs et les jeunes roseaux.
Qui pourrissent sans fin dans le calme des eaux,
Entretiennent, parmi les feuilles tamisées,
Un vague et doux parfum d’herbes décomposées.
Seul, immobile au bord de l’eau, dans la fraîcheur.
Un cygne, mal certain de sa toute blancheur.
Inspecte tout le jour ses ailes, en silence.
Mais le soir, quelquefois, quand la brise balance
Les branches, découvrant l’azur vaste des cieux,
Emu soudain, il tend le cou, lève les yeux.
Et, suivant dans le ciel la fuite des nuages.
Il rêve vaguement à de lointains voyages.


LES CLOCHES


Ma barque flotte au fil de l’eau.
Mon rêve flotte au fil de l’heure.
Je préfère le triste au beau :
Chante-moi la chanson qui pleure.

Le jour décline. Qu’il est doux
D’aller sans, cesse à la dérive !
Comme la terre est loin de nous !
Existe-t-il même une rive ?

Mais voici que dans le ciel clair.
Comme un appel des villes proches.
Un tintement traverse l’air...
Les cloches ! Les cloches ! Les cloches