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quart de notre traitement. Je remets à l’inspecteur aux revues Le Doyen une délégation pour que tu touches 1 125 francs par trimestre. J’espère, au retour de Saint-Domingue, avoir acquis, par des voies licites et honnêtes, de quoi assurer ton bien-être, élever nos enfans et nous mettre à l’abri du caprice des hommes puissans !


6 brumaire (28 octobre).

J’apprends avec plaisir que la saignée t’a soulagée et que notre cher petit Victor va de mieux en mieux. Dieu veuille que tu fasses heureusement tes couches, et que tu me donnes, cette fois, une petite fille te ressemblant.

Tu me parles du chagrin que te cause notre séparation ; j’y prends plus de part que personne et je chercherai tous les moyens de l’adoucir. Crois-tu qu’il ne m’en coûte pas autant qu’à toi ?

Je ne sais si mon sacrifice sera apprécié de ceux qui ont charge de m’en récompenser ; mais je ferai mon devoir, je travaillerai à l’amélioration de notre sort et, au retour, nous serons dédommagés. Ta sœur Agathe ne sera pas oubliée.

C’est pour vous, mes bonnes amies, pour mes enfans, que je vais encore tenter la Fortune ; elle se décidera peut-être à me sourire ! Nous attendons le vent favorable pour appareiller ; il change à tout instant et nous contrarie beaucoup. Nous espérons que la lune, en son nouveau quartier, le fixera et nous portera heureusement et promptement à destination.

J’ai reçu une lettre de Sénarmont, qui approuve fort la résolution que j’ai prise. Il voit la chose sous son véritable aspect, parce que, lui, raisonne le métier.

Bonsoir, ma bien-aimée Calixte ; tranquillise-toi sur ma santé et sur mon sort.

Je t’envoie mille baisers bien tendres, en te priant de les partager avec Victor et Agathe. Je vous aime bien et vous aimerai jusqu’à mon dernier soupir.


Le départ fut encore retardé ; Bonaparte avait persuadé à sa sœur Pauline d’accompagner son mari à Saint-Domingue, et Leclerc alla chercher sa femme à Paris. Hardy l’accompagna. Calixte aurait voulu partir comme Mme Leclerc ; mais elle avait de nouvelles espérances de maternité et surtout elle ne voulait pas quitter Victor et Félix, Les emmener, c’était impossible ; elle redoutait pour eux la traversée, la guerre, le climat, la fièvre jaune ! Hélas !