mort, on ne s’est rappelé que ce qui le rendait sympathique. L’homme était loyal, simple et bon. Tous ceux qui l’approchaient étaient séduits par sa bonne grâce un peu brusque, et lui restaient attachés. Il n’avait certes pas mérité de tomber sous la balle d’un assassin.
Le nouveau roi était assez loin de l’Italie au moment de l’attentat : il venait de quitter Athènes, et il a fallu un certain temps pour que la triste nouvelle lui arrivât. Les premières paroles qu’il a adressées à son peuple montrent combien son cœur de fils a été atterré par ce cruel événement. Le roi Humbert était dans la force de l’âge : tout faisait croire qu’il régnerait encore longtemps, et nul, à coup sûr, ne le désirait plus ardemment que le prince de Naples. La vie de celui-ci a été discrète ; il a évité plutôt que recherché les occasions de se produire. On sait seulement de lui que son éducation a été surtout militaire, et aussi qu’il a des habitudes laborieuses, un esprit éclairé et pénétrant, une volonté qui paraît ferme. Il a épousé la princesse Hélène de Monténégro. Nous n’en tirons aucun augure pour les tendances de sa politique ; les alliances souveraines ont été, dans le passé, une trop abondante source d’illusions et d’erreurs pour qu’on puisse, aujourd’hui surtout, y chercher le secret de l’avenir. La grâce et le charme de la jeune reine suffisent à expliquer la recherche dont elle a été l’objet, et à cet égard elle continuera dignement celle en qui le peuple italien avait mis sa tendresse et qu’avec une sorte de familiarité respectueuse il appelait « la Marguerite des Marguerites. » Il est donc probable qu’au moins à ses débuts, le nouveau règne sera la continuation de l’ancien ; mais, précisément pour ce motif, tout le monde prévoit qu’il ne sera pas exempt, à l’intérieur, de grandes difficultés. Nous n’avons pas à dire lesquelles ; on les connaît : ce sont celles d’hier. Les dernières années du roi Humbert en ont été assombries. Il y a deux ans, l’émeute a éclaté dans les rues de Milan et de quelques autres villes du royaume : elle a été rudement réprimée. Ces souvenirs sont d’autant plus présens aux esprits, qu’ils y ont été maladroitement entretenus par la politique, d’ailleurs impuissante, des ministères qui se sont succédé depuis lors, jusqu’à celui d’aujourd’hui exclusivement. Des mesures préventives et répressives ont été proposées, sous forme de lois, au parlement, qui les aurait votées sans doute, si l’opposition n’avait pas pris le parti de les combattre par l’obstruction. L’obstruction n’a d’autre résultat que d’empêcher, mais elle empêche, et souvent d’une manière très efficace. La dissolution de la Chambre et le recours au corps électoral n’ont pas changé la situation ; ils l’ont seulement aggravée en épuisant sans profit une