Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 160.djvu/918

Cette page a été validée par deux contributeurs.

les profits, et la cargaison comprend autre chose : c’est l’alcool sous toutes ses formes, cet alcool brûlant qu’aiment le palais et le gosier du pêcheur, l’eau-de-vie anisée, le schnap de Hollande et différens mélanges aussi inférieurs. Le patron du dutch-coper, c’est l’usurier cherchant bénéfice partout, amadouant, dès le début, son client par l’offre de quelques verres, puis se faisant payer, faute d’argent, en filets, en voiles, en poisson.

« De ces bateaux, il y en a beaucoup, mais leur nombre a diminué, ce genre de commerce rencontrant peu à peu moins d’amateurs à cause de la réaction des Sociétés de tempérance, de l’instruction et de l’esprit d’épargne des pêcheurs, de la facilité de vendre le poisson aux bateaux à vapeur, etc. Nous n’en sommes plus au temps où sur les bancs du Nord, au milieu des flottilles de pêche des nationalités diverses, il se passait des orgies de toutes sortes. Cependant, si les bateaux de femmes ont disparu, il faudra encore lutter longtemps pour voir le cabaret flottant disparaître, car le pêcheur, à certains momens, ne résistera pas devant l’offre d’un litre d’eau-de-vie. »

Ce fut donc, dans le principe, pour combattre, spécialement dans la mer du Nord, sur place et avec des bateaux spéciaux, l’influence démoralisante du dutch-coper qu’en 1884 se constitua en Angleterre, et toujours sous le patronage de la reine, la Mission des pêcheurs de la haute mer (Mission to deep sea fishermen). Telle était bien la préoccupation dominante de la mission au début, puisque le premier navire qu’elle fit croiser dans la mer du Nord portait le nom d’anti-coper. Le rôle précis de ce bateau était de faire aux cabarets flottans une concurrence écrasante en vendant aux pêcheurs à prix coûtant des vêtemens, du linge, des vivres et du tabac. Mais bientôt, son œuvre prospérant et ses navires se multipliant, la Mission, qui au début s’était contentée de combattre le mal, résolut de faire directement le bien en portant aux pêcheurs des secours moraux, religieux et médicaux. Elle embarqua sur ses navires, munis d’un hôpital approprié, un médecin et un pasteur, et l’anti-coper devint le navire-hôpital (hospital vessel).

Le rôle du médecin y est tout indiqué ; il donne des consultations et soigne les malades hospitalisés à bord. Quant au pasteur, il distribue des bibles, des livres, des journaux ; il lutte surtout contre l’alcoolisme à l’aide du pledge, serment que font les pêcheurs enclins à la boisson de ne pas boire de spiritueux