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Ce dernier chiffre est à retenir. Quelques comparaisons suffiront pour en faire ressortir l’éloquence. D’abord, en temps de paix, c’est-à-dire en temps ordinaire, pendant la même période (six mois), sur 1 000 hommes d’effectif, notre armée, comme du reste la marine de guerre anglaise, ne perd que 3 hommes, c’est-à-dire huit fois moins que la flottille de nos pêcheurs ; la marine autrichienne en perd moins encore : 2. Comparons maintenant les pertes de nos pêcheurs à celles que subissent les armées dans les conditions dramatiques d’une bataille. D’après la statistique médicale établie pour la campagne d’Italie (1859) par le médecin inspecteur Morache, actuellement Directeur du service de santé du XVIIIe corps, dans les deux batailles de Magenta et de Solférino, nous avons perdu 25 p. 1 000. Or c’est exactement la proportion des pertes subies dans chaque campagne de pêche par nos marins de Terre-Neuve et d’Islande.

Il ne faut pas croire que nous ayons choisi avec préméditation L’année 1897 pour soutenir notre thèse ; nous avons pris 1897 tout simplement parce que c’est à cette date qu’a été établie pour la première fois la mortalité des pêcheurs par les médecins que la Marine a mis à la disposition des Œuvres de mer.

D’ailleurs les chiffres de la mortalité à Terre-Neuve pendant la campagne de pêche de 1898 prouvent également que, tout en admettant certaines oscillations annuelles, faciles à prévoir, la mortalité de nos pêcheurs n’en reste pas moins toujours à un taux malheureusement très élevé.

En 1898, nos 10 650 pêcheurs de Terre-Neuve ont perdu 213 des leurs ; en voici le détail :


1° Disparus en mer :
a. Naufrages (6 navires) 77
b. Doris en dérive (13 doris). 28
c. Chutes à la mer 37
2° Décédés par suite de traumatisme ou de maladie 71
Total. 213

Ce qui donne comme mortalité 20 p. 1 000. On peut donc dire que, chaque année, nos pêcheurs qui se rendent à Terre-Neuve et en Islande courent sensiblement les mêmes risques que s’ils allaient prendre part à deux grandes batailles rangées.

Cette seule considération doit suffire pour attirer les sympathies